

Nama Nekemto
Le paysage politique qui se déroule en Éthiopie, notamment en ce qui concerne le meurtre de chrétiens dans la région Oromo, a été une source de profonde préoccupation et d’observations critiques. Un thème récurrent dans les analyses des récentes manœuvres politiques suggère que l’impulsion sous-jacente à de nombreuses luttes d’influence est une recherche principale de pouvoir et de gain matériel, éclipsant souvent les objectifs nationaux ou communautaires plus larges et conduisant à une instabilité prolongée.
Au cours de la période précédant le déclin du gouvernement du Front populaire de libération du Tigré (TPLF), le mouvement nationaliste oromo a émergé avec une force organisationnelle significative. Leur positionnement stratégique, notamment soutenu par un soutien extérieur considérable – y compris l’aide financière et en matière de renseignement de diverses entités étrangères, l’Égypte étant fréquemment citée – était largement perçu comme axé sur la promotion de l’autodétermination des Oromo. Cet objectif a parfois été interprété par les critiques comme un défi fondamental à la structure étatique éthiopienne existante. Des rapports ont indiqué que les services de renseignement égyptiens étaient activement impliqués dans le renforcement des capacités de diverses personnalités nationalistes oromo, en organisant des sessions de formation au Caire pour les dirigeants et les militants, notamment des personnalités telles que Jawar Mohammed. Cet engagement extérieur était largement considéré comme faisant partie d’une stratégie géopolitique plus large, particulièrement intensifiée après le lancement du Grand barrage de la Renaissance éthiopienne, visant à influencer la dynamique du pouvoir régional et potentiellement à affaiblir le gouvernement central éthiopien.
Initialement, alors que les groupes nationalistes oromos externes et internes collaboraient aux efforts visant à saper le TPLF, on a pris conscience stratégiquement qu’une alliance plus large avec le bloc politique Amhara offrait une voie plus décisive pour déloger le TPLF du pouvoir. Ce changement pragmatique a conduit à l’adoption temporaire de ce que l’on a appelé la coalition politique « Oromo-Amhara », une alliance stratégique visant à présenter un front uni. Suite à cet effort coordonné, le gouvernement du TPLF a en effet été contraint de renoncer au pouvoir de manière pacifique.
Cependant, l’ère post-TPLF s’est rapidement transformée en luttes internes pour la domination politique et le contrôle des ressources au sein du paysage politique oromo, conduisant à une fragmentation importante et à des conflits intestins. Alors que diverses factions oromo se disputaient l’ascendant, l’unité initiale s’est dissoute, laissant la place à des luttes intestines persistantes qui se poursuivent encore aujourd’hui, laissant de nombreux groupes affaiblis.
À l’inverse, l’accession au pouvoir du Premier ministre Abiy Ahmed a impliqué une consolidation stratégique de sa position. S’appuyant sur un récit d’unité éthiopienne et de renouveau national, il a cherché à renforcer son administration dans sa lutte contre l’influence résiduelle du TPLF et les groupes rivaux Oromo. Cette approche lui a permis d’obtenir un soutien politique et financier important de la part des parties prenantes nationales et internationales, faisant appel à une large base de soutien, en particulier au sein de la communauté Amhara, se positionnant ainsi efficacement contre d’autres rivaux politiques oromo.
En réponse, les factions oromo rivales, y compris des éléments alignés sur des personnalités comme Jawar Mohammed et certaines factions du Front de libération oromo (OLF), se seraient engagées dans une stratégie politique calculée. Cela impliquait d’orchestrer et d’exploiter les tensions, notamment des incidents de violence, des enlèvements et des déplacements ciblant les communautés Amhara. L’objectif semblait être de démontrer l’incapacité perçue du gouvernement à protéger ses citoyens, favorisant ainsi un profond ressentiment au sein de la population Amhara à l’égard de l’administration d’Abiy Ahmed et créant un fossé irréconciliable. Parallèlement, une campagne délibérée d’incitation et de propagande aurait été menée, décrivant la communauté Amhara comme des adversaires historiques du peuple Oromo et accusant l’administration d’Abiy de s’aligner sur ces « ennemis » et de s’opposer aux aspirations nationales des Oromo. Ces tactiques, associées à l’incapacité du gouvernement à contenir la violence et à organiser parfois des groupes pour attaquer les Amharas, ont sans doute contribué à une érosion significative de la confiance et du soutien envers Abiy Ahmed au sein d’une partie importante de la population amhara, conduisant à un mécontentement généralisé du public.
Sous une immense pression pour réaffirmer ses références oromos et consolider sa base politique, l’administration d’Abiy Ahmed a ensuite été accusée de mettre en œuvre des politiques perçues comme préjudiciables aux intérêts amhara, exacerbant encore les tensions ethniques existantes. Cette interaction complexe de manœuvres politiques a créé un environnement profondément fracturé dans lequel les intérêts de l’administration d’Abiy et de la communauté Amhara sont devenus de plus en plus difficiles à concilier. Cette situation instable a été encore exploitée par des factions, notamment celles associées à Jawar Mohammed et à l’OLF-Shene, qui continuent d’alimenter les contradictions, garantissant ainsi que le conflit reste actif. On observe souvent des acteurs politiques qui changent d’allégeance et offrent un soutien superficiel, principalement pour obtenir un effet de levier et renforcer leur propre domination politique.
Le résultat tragique de ces luttes politiques et de pouvoir incessantes a été l’immense souffrance de la population éthiopienne. Des dizaines de milliers d’Éthiopiens de diverses communautés ont tragiquement perdu la vie, et des millions d’autres ont été forcés de quitter leurs foyers, confrontés à des conditions humanitaires désastreuses et à une faim persistante. Depuis qu’Abiy Ahmed a pris le pouvoir, le pays est aux prises avec une crise humanitaire croissante qui souligne le lourd coût humain de ces conflits prolongés.
La catastrophe humanitaire qui se déroule en Éthiopie atteint des niveaux sans précédent. Des millions de personnes ont été violemment déracinées de leurs terres ancestrales, contraintes d’abandonner leurs maisons, leurs moyens de subsistance et leurs communautés. Ces personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI) sont désormais confrontées à une insécurité alimentaire aiguë, la faim devenant un combat quotidien, en particulier pour les populations vulnérables comme les femmes, les enfants et les personnes âgées. L’accès à l’eau potable, à l’assainissement et aux soins de santé essentiels est gravement compromis, entraînant une recrudescence des maladies évitables et des pertes de vies tragiques.
À cette tragédie humaine s’ajoute une crise économique qui s’aggrave rapidement. Le conflit persistant a systématiquement démantelé l’infrastructure productive du pays, anéantissant la capacité agricole et la production industrielle. Cela a, à son tour, paralysé l’activité économique nationale et éloigné les investisseurs locaux et internationaux, en quête de stabilité et de prévisibilité. Simultanément, la réduction drastique de l’aide étrangère, souvent vitale pour les pays en développement, a exacerbé les tensions financières. Le gouvernement a désormais du mal à remplir ses obligations fondamentales, noyé dans une dette insurmontable et incapable de fournir les services publics essentiels, poussant la nation tout entière au bord de l’insolvabilité financière.
La trajectoire est claire : l’Éthiopie est dangereusement proche d’un effondrement total de son État. Une telle issue ne serait pas simplement une tragédie interne ; cela déclencherait un effet d’entraînement d’une profonde instabilité dans toute la Corne de l’Afrique et au-delà. Une Éthiopie effondrée déclencherait une vague incontrôlable de réfugiés, intensifierait les conflits régionaux, créerait un terrain fertile pour les idéologies extrémistes et perturberait les routes commerciales internationales critiques. L’idée qu’une nation puisse rester à l’abri d’un scénario aussi catastrophique est une illusion dangereuse. La voie destructrice actuelle doit être abandonnée immédiatement.
Il est donc impératif que toutes les parties concernées reconnaissent la gravité de la situation actuelle et agissent de toute urgence avec responsabilité. Cette folie croissante doit cesser sans plus attendre. La préservation de l’Éthiopie et, par extension, la stabilité du monde dans son ensemble, dépendent d’efforts immédiats et concertés en faveur de la paix et de la reconstruction.
Note de l’éditeur : les opinions exprimées dans l’article ne reflètent pas nécessairement celles de Togolais.info.
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