L’agonie de l’Éthiopie et l’aube du renouveau

Maria

Ethiopie _ Agonie et aube de l'espoir Ethiopie _ Agonie et aube de l'espoir
Avant qu’Abiy Ahmed ne devienne Premier ministre en 2018, de nombreuses protestations avaient eu lieu en Éthiopie. La crise sécuritaire et les difficultés économiques semblent s’être aggravées dans les années qui ont suivi son arrivée au pouvoir. Crédit image : Reuters /fichier

Par Mohamud A. Ahmed – Cagaweyne

Une nation au bord de la transformation

L’Éthiopie, berceau d’anciennes civilisations et cœur de la Corne de l’Afrique, se trouve à un point d’inflexion de son histoire moderne. Enveloppée par les ombres de conflits récurrents, la nation oscille entre son potentiel de renouveau et l’abîme de la fragmentation. Les tragédies brûlantes de Salale, les réveils violents en Amhara et Oromia et la paix fragile au Tigré soulignent une réalité obsédante : l’Éthiopie est en guerre contre sa propre identité. Pourtant, au milieu des cendres du désespoir, des lueurs d’espoir scintillent – ​​une promesse d’unité grâce à des réformes audacieuses, à la responsabilité et à l’action collective.

Une symphonie de souffrance : les cycles de la violence

De la décapitation déchirante de Salale aux turbulences incessantes en Oromia, les échos de la violence se répercutent à travers l’histoire de l’Éthiopie avec une familiarité obsédante. Ces événements tragiques ne sont pas des incidents isolés mais sont symptomatiques d’un profond malaise national – une incapacité systémique à aborder et à réconcilier les cicatrices de son passé. La montée de la milice Fano d’Amhara, l’insurrection persistante d’Oromia et le cessez-le-feu précaire du Tigré révèlent collectivement une vérité singulière : les griefs non résolus, laissés à s’envenimer, se métastasent inévitablement en cycles de conflits incessants. C’est le jugement de l’Éthiopie – un creuset karmique qui exige non seulement des mesures palliatives mais aussi une approche transformatrice de la gouvernance, de la justice et de la réconciliation.

Au cœur du discours politique éthiopien se trouve le fédéralisme ethnique, un système aussi polarisant qu’incompris. Critiqué par certains comme l’architecte de la fragmentation nationale et salué par d’autres comme le rempart des droits des minorités, son véritable potentiel reste inexploité. Même si sa mise en œuvre a souvent été instrumentalisée pour servir des intérêts étroits, le système lui-même n’est pas intrinsèquement défectueux. Au contraire, c’est l’utilisation abusive chronique de ses principes qui a érodé sa crédibilité. Réformer le fédéralisme ethnique – en éliminant ses ambiguïtés, en garantissant une représentation équitable et en favorisant les mécanismes de responsabilisation – offre une voie viable vers une coexistence durable.

Rejeter catégoriquement le fédéralisme ethnique comme le cancer qui ronge l’unité de l’Éthiopie revient à simplifier à l’extrême une réalité complexe. De telles affirmations, souvent propagées par des experts autoproclamés, ignorent le fait que le système n’a jamais été testé à sa pleine valeur. Déclarer son abolition sans explorer son potentiel en matière de promotion de l’inclusion est à la fois intellectuellement paresseux et stratégiquement périlleux. L’erreur selon laquelle la désintégration découle uniquement du cadre lui-même sape le discours critique nécessaire pour le transformer en un outil d’unité plutôt que de division. Le défi de l’Éthiopie n’est donc pas d’abandonner sa structure fédérale, mais de l’utiliser avec sagesse, intégrité et avec une vision d’égalité véritable.

Le jeu du blâme : briser les chaînes de la division

L’administration du Premier ministre Abiy Ahmed est devenue le paratonnerre des malheurs de l’Éthiopie, mais l’histoire révèle qu’aucun dirigeant ne peut être seul responsable de crises aussi profondément enracinées. Les graines de la discorde ont été semées au fil des décennies par les gouvernements successifs, chacun étant complice de la priorité donnée au pouvoir sur le peuple. Pourtant, cette période exige un niveau de leadership plus élevé. Le gouvernement d’Abiy doit passer d’une gouvernance réactive à des réformes proactives, de la rhétorique à l’action concrète. Toutefois, la véritable transformation ne peut émaner uniquement du sommet. Cela nécessite l’éveil de la conscience collective éthiopienne – des aînés, des intellectuels, de la société civile et des jeunes – unis dans un objectif et une vision.

Le Dr Abiy Ahmed a hérité des crises nationales à leur apogée – un moment où les tensions débordaient déjà et où les fractures sociétales étaient dangereusement profondes. Au lieu de trouver des alliés collaboratifs pour relever ces défis, des forces puissantes ont émergé pour exploiter le chaos, déclenchant la violence et la division. Même si ses intentions étaient peut-être de guérir la nation, Abiy est tombé par inadvertance dans des pièges tendus par des acteurs motivés par leurs intérêts personnels, des programmes déstabilisateurs et une soif de pouvoir. Ce n’étaient pas des crises qu’il avait provoquées, mais des tempêtes de longue haleine dans lesquelles il était contraint de naviguer. Pourtant, la nation ne peut pas se permettre de s’attarder dans le bourbier du blâme. Pointer du doigt ne guérira pas les blessures du peuple éthiopien. Le temps est venu de trouver des solutions qui transcendent les luttes de pouvoir – des solutions qui ne véhiculent pas l’odeur du sang ni l’ambition de domination, mais qui incarnent l’inclusion, la réconciliation et la justice.

À l’heure où nous nous trouvons en 2024, l’Éthiopie doit accepter la réalité selon laquelle l’ère de l’exclusivité – où le leadership était un privilège accordé en fonction de l’origine ethnique ou de l’origine – est révolue. Quelle que soit l’origine d’une personne, les seuls critères de leadership devraient être le mérite, la vision et une capacité avérée à servir la nation. L’Éthiopie ne peut pas se permettre de rejeter des dirigeants ou des groupes compétents en raison de leur identité, ni perpétuer des notions de suprématie selon lesquelles un segment de la population revendique la propriété de la nation tandis que d’autres sont considérés comme de simples habitants. L’heure est à l’égalité, où chaque Éthiopien appartient pleinement, non seulement à sa communauté ethnique mais à la nation dans son ensemble.

Forgé dans le feu : Récupérer l’âme des institutions

Les institutions éthiopiennes ont longtemps été prisonnières de loyautés ethniques et politiques, leur intégrité étant compromise par ceux qui étaient chargés de les faire respecter. Le Parlement, considéré comme le bastion de la démocratie, résonne de platitudes vides de sens et de querelles partisanes. Pourtant, ces institutions possèdent le pouvoir latent de redéfinir la trajectoire de la nation.

La Commission éthiopienne de dialogue national représente une rare lueur d’espoir. Pour réussir, ce forum doit transcender le symbolisme, adopter l’inclusivité et s’attaquer sans crainte aux inégalités systémiques. Ce dialogue n’est pas simplement un exercice politique ; c’est un impératif moral – une chance de transformer l’âme fragmentée de l’Éthiopie en un collectif harmonieux.

De la dépendance à la dignité : l’impératif économique

Les disparités économiques restent l’une des blessures les plus profondes qui alimentent les troubles en Éthiopie, parallèlement à l’impact destructeur des discordes politiques. Des générations de négligence ont condamné la plupart des régions à des cycles de pauvreté et de désillusion, laissant les communautés aux prises avec des inégalités systémiques. Si le recours à l’aide extérieure a apporté un soulagement temporaire, il souligne également une faiblesse flagrante : l’absence d’une stratégie solide et locale, ancrée dans la durabilité et l’inclusion. Pour sortir de ce cycle, l’Éthiopie doit donner la priorité aux investissements dans l’éducation, les soins de santé et les infrastructures, en mettant l’accent sur les régions négligées, transformant le désespoir économique en fondement d’une prospérité partagée.

Il est encourageant de constater que des progrès notables ont été réalisés ces dernières années. L’Éthiopie a exploité son secteur minier, en particulier l’or, tandis que l’agriculture continue de se montrer prometteuse. Des mégaprojets ambitieux, tels que les projets de construction du plus grand aéroport d’Afrique, les programmes de développement de corridors et la modernisation majeure des infrastructures routières, témoignent d’une détermination à se moderniser. Pourtant, ces progrès sont éclipsés par les échos incessants du conflit – le bruit persistant des coups de feu qui se répercutent à travers le pays, bloquant sa progression. Sans s’attaquer aux causes profondes de cette violence, les réalisations économiques risquent de se transformer en victoires éphémères plutôt qu’en transformations durables.

La voie du renouveau de l’Éthiopie consiste à encourager l’innovation et à adopter la méritocratie. Une nation où le succès est dicté par les compétences, le talent et le dévouement – ​​plutôt que par l’appartenance ethnique ou l’allégeance politique – a le pouvoir de se libérer des chaînes de la dépendance. Une telle vision peut déclencher une révolution de la dignité, permettant à chaque Éthiopien de contribuer à une renaissance collective qui transcende la division et élève la nation vers son véritable potentiel.

L’unité comme acte révolutionnaire

La survie de l’Éthiopie réside dans le dépassement des divisions qui ont longtemps défini son récit. L’unité n’est pas une platitude mais un acte révolutionnaire qui exige du courage et un engagement sans faille de la part de tous les secteurs de la société. Le gouvernement doit cultiver des solutions organiques – des stratégies locales nées de l’empathie, de l’équité et de la résilience.

Le succès de la Commission de dialogue national dépend de sa capacité à favoriser une culture de respect mutuel et de responsabilité. Les dirigeants, intellectuels et citoyens éthiopiens doivent affronter leur histoire commune, non pas en les blâmant mais avec une détermination inébranlable à construire un avenir collectif.

Conclusion : l’appel au destin de l’Éthiopie

Le fourneau des crises éthiopiennes a le potentiel de forger une nation plus forte et plus unie. Ce moment n’est pas simplement un test de leadership mais un creuset pour que le peuple éthiopien récupère son identité. Grâce à des réformes audacieuses, une gouvernance équitable et un engagement en faveur de la responsabilité collective, l’Éthiopie peut devenir une lueur d’espoir dans un monde incertain.

Frapper aux portes occidentales à la recherche de solutions politiques s’est révélé être une entreprise infructueuse. Il s’agit d’une voie très fréquentée suivie par certains intellectuels ermites, qui défendent inlassablement sous couvert d’être les gardiens du destin de l’Éthiopie, mais dont le véritable objectif réside souvent dans l’obtention du pouvoir pour eux-mêmes. Ces élites doivent réorienter leur regard vers les souffrances de leur propre peuple – des gens accablés par des problèmes qu’ils n’ont pas créés, endurant des épreuves auxquelles ils n’auraient jamais dû faire face. Le salut de l’Éthiopie ne résidera pas dans des prescriptions ou des interventions étrangères ; cela doit venir de l’intérieur.

Les solutions biologiques, fondées sur la sagesse et la résilience des diverses communautés éthiopiennes, restent la seule voie viable. Le dialogue, ancré dans la confiance et l’inclusion, offre la voie la plus prometteuse pour la réconciliation et le renouveau. La Commission éthiopienne de dialogue national, bien qu’imparfaite, constitue une première étape essentielle. Si ses défauts sont reconnus et traités avec intégrité, il peut devenir la pierre angulaire de la renaissance de l’Éthiopie. C’est un moment de courage, un moment d’unité et un appel aux Éthiopiens à embrasser leur destin commun avec espoir et détermination. Que ce soit l’aube d’une nation qui trouve sa force non pas dans la division mais dans sa volonté collective de surmonter l’adversité.

Le temps de la division est révolu. L’ère de l’unité, du courage et de l’action est arrivée. Le destin de l’Éthiopie l’attend, façonné non pas par le poids de son histoire mais par la promesse de son potentiel. Que ce soit l’aube d’une nation renaissante, un témoignage de résilience et un triomphe de l’espoir sur le désespoir. Puisse l’Éthiopie se lever et revendiquer la place qui lui revient, non pas comme une terre définie par des conflits perpétuels, mais comme un phare d’endurance, de force et d’unité dans un monde incertain.

L’écrivain est joignable au : +251900644648

Note de l’éditeur : les opinions exprimées dans l’article ne reflètent pas nécessairement celles de Togolais.info

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