Une perspective éthiopienne sur la crise soudanaise

Maria

Une perspective éthiopienne sur la crise soudanaise

Du centre urbain animé d’Addis-Abeba, le cœur battant de l’Union africaine, au centre politique de Washington DC, nous nous retrouvons tous dans un silence étonné, témoins de l’escalade de la crise au Soudan. Étant un immigrant éthiopien résidant aux États-Unis, je ne peux m’empêcher de me demander ce qui a conduit à la situation difficile des Soudanais. Je suis conscient de l’état précaire de mon pays d’origine, l’Éthiopie, et beaucoup craignent qu’il ne soit le prochain point chaud de la crise. Dieu nous protège d’un tel destin. Bien que certains puissent me reprocher de me concentrer sur la crise soudanaise alors que nos propres problèmes s’intensifient, je maintiens que nos problèmes ne sont pas isolés mais interdépendants. L’histoire qui émerge de ces racines entrelacées est celle d’une préoccupation partagée pour les luttes d’un pays voisin et de l’indifférence déconcertante de la communauté internationale.

Le Soudan a toujours occupé une place spéciale dans le cœur des Éthiopiens. Lorsque le régime oppressif du Derg a jeté une ombre sur l’Éthiopie, le Soudan est devenu une lueur d’espoir, un refuge sûr pour des milliers d’immigrants éthiopiens. Le peuple soudanais, avec sa gentillesse et son hospitalité innées, a tendu les bras ouverts à ces âmes déplacées, leur offrant un abri, de la compassion et un sentiment d’appartenance en ces temps sombres.

Les fils culturels, historiques et émotionnels qui ont tissé l’Éthiopie et le Soudan ont perduré, nous rappelant notre passé commun et nos futurs interconnectés. Ces liens sont maintenant teintés d’inquiétude alors que nous regardons le Soudan sombrer dans le chaos. Pourtant, la communauté internationale, autrefois précurseur de l’aide humanitaire et de la paix, semble garder ses distances, ses voix se taisent et ses actions manquent.

Suite à l’évacuation de leurs citoyens du Soudan, les nations occidentales et l’Europe sont passées à d’autres programmes, fermant apparemment les yeux sur l’escalade de la crise. Leur soudain désintérêt est déconcertant, compte tenu de leur engagement proclamé en faveur des droits humains universels et de la démocratie.

En tant qu’Éthiopien vivant aux États-Unis, cette attitude froide envers la crise soudanaise est particulièrement décourageante. Je regarde, alors que les grands médias américains, connus pour leur solide couverture des affaires internationales, n’offrent que des reportages sporadiques et superficiels sur le Soudan. Ce silence est assourdissant, me laissant remettre en question l’attention sélective envers les crises mondiales.

Pourquoi le sort du Soudan est-il resté dans l’ombre alors que le besoin d’une intervention et d’une aide internationales est si criant ? Pourquoi le monde se détourne-t-il alors que les civils soudanais portent le poids de la discorde politique, pris dans une crise humanitaire paralysante ?

Cette crise, cette souffrance n’est pas abstraite – c’est une réalité horrifiante pour des millions de personnes. Il est temps que le monde se souvienne de la générosité du Soudan envers ses voisins et de sa volonté d’offrir un refuge à ceux qui en ont besoin. Tout comme le Soudan a autrefois ouvert ses portes aux immigrants éthiopiens, la communauté internationale doit maintenant ouvrir son cœur à la souffrance du peuple soudanais.

La crise au Soudan appelle notre attention, notre action et notre empathie collectives. Nous devons rallier nos gouvernements, nos institutions et nos communautés non seulement pour reconnaître mais aussi pour agir face à cette crise.

En tant qu’Éthiopien, en tant qu’immigrant et en tant que citoyen du monde, je porte en moi les histoires du Soudan, des histoires de gentillesse, de résilience et d’espoir. J’exhorte le monde à écouter le Soudan, à donner une voix à ses cris silencieux et à se mobiliser en faveur d’une résolution pacifique. Nous le devons au peuple soudanais, qui a jadis ouvert ses portes en ces temps difficiles. C’est maintenant à notre tour de nous tenir à leurs côtés, de briser le silence et de leur rendre leur bienveillance avec notre soutien indéfectible. Il est temps que le monde réitère son engagement en faveur de la paix, des droits de l’homme et de l’empathie.

Regarder cette crise se dérouler depuis les États-Unis n’a fait que renforcer mon sentiment d’appartenance au Soudan et l’urgence d’une intervention internationale. Il met en lumière le rôle vital de la communauté internationale dans la résolution des crises au-delà de ses frontières, soulignant la responsabilité universelle que nous partageons tous lorsqu’il s’agit de défendre les droits de l’homme et les valeurs démocratiques.

Dans un monde où nous sommes plus interconnectés que jamais, la distance géographique ne doit pas diluer l’urgence d’une crise humanitaire. En tant qu’immigrant éthiopien vivant aux États-Unis, j’implore mes concitoyens et nos dirigeants de tirer parti du pouvoir et de l’influence de notre grande nation. Faisons pression pour une action diplomatique, une aide humanitaire et une attention accrue des médias. Soyons les alliés dont le peuple soudanais a besoin dans sa lutte pour la stabilité et la paix.

La générosité du Soudan envers ses voisins en ces temps difficiles ne doit pas être oubliée. Le peuple soudanais a fait preuve d’une force et d’une compassion admirables en offrant refuge aux immigrants éthiopiens pendant les périodes les plus sombres. C’est un témoignage de leur esprit, un esprit qui a maintenant besoin de notre soutien pour surmonter les épreuves auxquelles ils sont confrontés.

Nous leur devons de nous lever, d’élever la voix et d’aider à attirer l’attention du monde sur leur sort. Ne laissons pas les récits de la souffrance soudanaise rester indicibles, ne laissons pas le silence persister. Il ne suffit pas de simplement voir ou entendre – nous devons ressentir, nous devons faire preuve d’empathie et, plus important encore, nous devons agir. Il est temps d’amplifier les cris étouffés du Soudan, il est temps de faire en sorte qu’ils ne soient pas seulement entendus, mais qu’ils conduisent à des changements significatifs.

En tant qu’Éthiopien, je connais la dette de gratitude que nous devons au Soudan. En tant qu’immigrant aux États-Unis, je comprends l’immense potentiel d’une réponse unifiée et vocale à une crise. En tant que citoyen du monde, je reconnais la responsabilité partagée que nous avons les uns envers les autres. Dans cet esprit, soyons solidaires avec le Soudan, brisons le silence et travaillons à une résolution pacifique.

Notre humanité commune devrait être notre guide en ces temps difficiles. Car dans notre force collective réside le pouvoir d’influencer le changement, d’offrir un refuge face à l’adversité et de prouver que le monde n’a pas oublié le Soudan. Pour le bien du Soudan, et pour nous tous, brisons le silence et agissons maintenant.

(L’auteur de cet article peut être contacté par e-mail à contact@togolais.info)