Une nouvelle normalité pour le Parti de la prospérité en Éthiopie

Maria

Une nouvelle normalité pour le Parti de la prospérité en Éthiopie
Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed revendique environ 7,5 milliards d’arbres plantés au cours de l’année, le 18 septembre 2023 (Photo : PD)

Selomé Esayas

Le recours à une rhétorique conflictuelle et incendiaire semble être en augmentation parmi les responsables du Parti éthiopien de la prospérité. Cette tendance inquiétante menace d’aggraver encore les tensions dans un climat politique déjà polarisé.

Au cours des dernières années, divers dirigeants éminents du Parti de la prospérité ont fait des généralisations problématiques et utilisé un langage provocateur lorsqu’ils s’adressaient au public et aux médias. Les étiquettes à connotation ethnique utilisées pour décrire les groupes d’opposition et leurs critiques sont particulièrement préoccupantes.

Par exemple, le Premier ministre Abiy Ahmed et d’autres responsables ont fréquemment qualifié le Front populaire de libération du Tigré (TPLF) de « ጁንታ »/junte/ ou « የቀን ጅብ »/hyène diurne/. Même si le TPLF a été à juste titre critiqué pour ses abus passés, l’utilisation de termes diabolisants risque de donner lieu à un profilage ethnique de tous les Tigréens. Ce type de rhétorique imprudente a probablement contribué à la spirale d’un conflit violent dans la région du Tigré.

Plus récemment, les groupes d’opposition Amhara ont été étiquetés « ጃዊሳ »/jawisa/, portant les mêmes insinuations d’illégitimité et d’extrémisme. Encore une fois, même si la violence politique à Amhara est préoccupante, il est extrêmement dangereux de qualifier largement tous les dissidents et militants de terroristes ou d’insurgés, sur la simple base de leur appartenance ethnique.

Un langage incendiaire figurait également dans le message du Nouvel An éthiopien 2016 du président régional d’Oromia, Shimelis Abdissa. Il a fait des déclarations ambiguës sur l’« enterrement » de groupes tentant de « ressusciter l’ancienne Éthiopie », ce qui pourrait facilement être interprété comme une menace contre le peuple Amhara et d’autres opposants.

Même si Shimelis affirme qu’il faisait uniquement référence aux forces anticonstitutionnelles, sa longue histoire de rhétorique chargée montre clairement ses véritables motivations. Auparavant, il parlait fièrement de « በሰበሩን ቦታ ሰብረናቸዋል »/les briser à l’endroit où ils nous ont brisés/ et a provoqué le ressentiment parmi beaucoup. De telles expressions encouragent la suspicion et le ressentiment entre les groupes ethniques.

Dans un pays aussi diversifié sur le plan ethnique et politique que l’Éthiopie, les responsables doivent comprendre le pouvoir et les conséquences de leurs paroles. Les propos incendiaires deviennent invariablement une étincelle pour de nouveaux conflits et abus lorsque les tensions sont déjà fortes.

Malheureusement, les dirigeants des partis de la prospérité semblent perpétuer la longue tradition de bouc émissaire ethnique et de profilage pratiquée par les gouvernements de l’ère EPRDF. Attrapez toutes les étiquettes comme « ትምክህተኛ »/chauvinistes/, « ጠባብ » /étroit d’esprit/, ont été utilisées pour délégitimer les opposants et justifier la répression. Cet héritage semble avoir été hérité.

Même si certains groupes d’opposition portent effectivement la responsabilité de l’instabilité, le recours excessif par le Parti de la prospérité à une rhétorique à connotation ethnique montre des signes effrayants de vieilles habitudes autoritaires. Toute dissidence, tout militantisme et toute résistance ne doivent pas être rejetés de manière préventive comme étant du terrorisme ou un nationalisme étroit. Cela empêche un dialogue politique significatif.

Lorsque le Premier ministre Abiy Ahmed a pris le pouvoir en 2018, on s’attendait à ce que son administration rompe avec le passé et favorise la réconciliation nationale. Malheureusement, même si certaines réformes positives ont eu lieu, la tendance aux propos incendiaires se poursuit.

À bien des égards, le Parti de la prospérité apparaît simplement comme la dernière incarnation du régime de l’EPRDF, répétant les erreurs du passé. Seuls les visages ont changé. Le profilage ethnique et les critiques pointées du doigt sont à nouveau normalisés et même officiellement approuvés.

Les conséquences potentielles sont graves. Comme en témoigne la guerre civile au Tigré, la rhétorique déshumanisante jette les bases d’atrocités de masse. Cela engendre la suspicion et la haine entre les communautés, ouvrant la porte à des cycles de violence de vengeance.

L’Éthiopie reste en proie à des tensions ethniques non résolues, accumulées au fil des décennies. Le pays ne peut pas se permettre de continuer à suivre la même voie destructrice de diabolisation politique.

Il n’existe pas de solutions simples ni de solutions miracles après des années de tactiques autoritaires de diviser pour régner. Toutefois, la norme minimale devrait être que les responsables fassent preuve d’un minimum de sagesse et de retenue dans leurs déclarations publiques.

Le langage incendiaire doit être condamné lorsqu’il est utilisé par un leader ou un parti. Le Parti de la prospérité et le Premier ministre Abiy doivent donner le meilleur exemple, quel que soit le comportement des autres. Attiser les peurs et l’hostilité ethnique à des fins politiques est fondamentalement immoral et contraire à la démocratie.

Des mots puissants doivent être utilisés de manière responsable pour favoriser la cohésion sociale et suggérer des voies à suivre. À l’heure actuelle, les responsables du Parti de la prospérité font le contraire : exploiter les divisions et les traumatismes. Cela ne peut pas tenir.

Les groupes d’opposition et le public ont également un rôle à jouer. Les critiques et protestations constructives sont légitimes, mais elles doivent éviter une diffamation généralisée des communautés. En fin de compte, toutes les parties doivent réfléchir attentivement au langage utilisé et se concentrer sur les intérêts communs et l’humanité.

Avec prudence, sagesse et courage moral, l’Éthiopie peut sortir du gouffre. Mais cela nécessite une réconciliation nationale et des efforts de bonne foi de la part de toutes les parties concernées. Ni les propos incendiaires ni la violence ne sont inévitables.

Le Parti de la prospérité doit choisir de briser ce cycle dangereux, pour l’avenir de l’Éthiopie. Aucun programme politique ne vaut le bilan humain des conflits ethniques. Les autorités doivent s’abstenir de toute rhétorique destructrice qui incite les gens à la violence.

Il existe toujours d’autres choix fondés sur l’humanité. Les Éthiopiens ne peuvent pas perdre espoir. Cependant, les dirigeants doivent montrer l’exemple et rester patients même en période de polarisation. Avec un dialogue ouvert et respectueux, un avenir démocratique et pacifique reste possible. Mais il est urgent de prendre en compte les discours dangereux.

Note de l’éditeur : les opinions exprimées dans l’article ne reflètent pas nécessairement celles de borkena.com

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