Par Abdirezak Sahane
Le fragile système fédéral somalien est soumis à de fortes tensions, alors que les conflits politiques et les luttes de pouvoir menacent de déstabiliser les progrès réalisés depuis l’effondrement de l’État du pays en 1991. Après la chute du gouvernement central, le peuple somalien a fait de nombreuses tentatives pour reconstruire sa nation, qui ont abouti à 2000 avec un accord entre les représentants somaliens pour établir un système de gouvernance visant à réunifier le pays.
Cet accord a conduit à l’introduction du système 4.5, un modèle de partage du pouvoir basé sur les clans. Ce système a réparti le pouvoir politique entre les clans somaliens et a facilité la création du premier gouvernement intérimaire depuis 2000. Au fil des années, les dirigeants somaliens ont travaillé pour améliorer cette structure de gouvernance, parvenant à un consensus politique pour la transition vers un système fédéral. Aujourd’hui, la Somalie fonctionne dans ce cadre fédéral, qui comprend cinq États régionaux.
Les défis du système fédéral
Bien que le système fédéral ait constitué une base pour la gouvernance, il reste fragile et immature, confronté à de nombreux défis. Le président Hassan Sheikh Mohamud, qui a dirigé la Somalie de 2012 à 2016 et a été réélu en 2022, a fait l’objet de nombreuses critiques pour sa gestion des relations fédérales. Au cours de sa deuxième campagne présidentielle, il a popularisé le slogan « Somali heshiis ah, dadka kalana heshiis la’ah » (les Somaliens se sont unis intérieurement et ont conclu des accords avec les autres.). Cependant, ses actions depuis son entrée en fonction ont été perçues comme source de discorde et contraires à ce message.
Intensification des conflits avec les États fédéraux
Après son entrée en fonction, le président Hassan Sheikh Mohamud a initié des différends avec le Puntland, l’un des principaux États fédéraux de Somalie. Ces tensions se sont rapidement étendues au Jubaland, dirigé par le président Ahmed Madobe. La question centrale tourne autour du programme de réforme électorale de Hassan Sheikh, en particulier sa promotion d’un modèle électoral « une personne, une voix ». Les critiques soutiennent que ce programme est irréaliste étant donné les conditions politiques et sécuritaires actuelles de la Somalie et est utilisé pour justifier la prolongation de sa présidence au-delà de son mandat.
Hassan Sheikh a également proposé de prolonger les mandats des dirigeants des États régionaux sans consulter la population, une décision largement considérée comme inconstitutionnelle. Si certains États, comme Hirshabelle et Southwest, ont accepté ces extensions, le Jubaland les a fermement rejetées. Le président Ahmed Madobe a organisé des élections au Jubaland le mois dernier malgré les pressions du gouvernement central, ce qui a encore aggravé les tensions.
Intervention militaire et résistance
En réponse au défi du Jubaland, le président Hassan Sheikh a déployé des troupes fédérales à Raskamboni, une zone clé du Jubaland, dans le but apparent d’arrêter le président Ahmed Madobe. Cette décision s’est heurtée à une forte résistance de la part des dirigeants du Jubaland, des forces de sécurité et de la population, qui y voient une atteinte à leur autonomie. Ahmed Madobe et l’administration du Jubaland ont monté la défense, renforçant leur position de protecteurs de l’autonomie régionale dans le cadre fédéral.
Les responsables fédéraux somaliens sont actuellement prisonniers de profondes illusions politiques, ce qui conduit à un conflit désastreux et douloureux entre l’Armée nationale fédérale somalienne (SNA) et les forces locales du Jubaland. Cet échec politique non seulement nuit à la situation actuelle du pays, mais met également en danger l’avenir des efforts de construction de l’État somaliens.
Au centre de cette tourmente politique se trouve le président Hassan Sheikh, dont le leadership défaillant et les décisions malavisées ont précipité la crise actuelle. Hassan Sheikh semble déterminé à monopoliser la politique du pays et les prochaines élections de 2026 en promouvant le concept erroné « une personne, une voix ». Une telle approche est mal adaptée à un État fragile comme la Somalie, et il est évident que ses intentions ne sont pas alignées sur les meilleurs intérêts de la nation.
Hassan Sheikh a apparemment un agenda caché visant à saper l’État régional constitutionnellement établi du Jubaland. En déployant des troupes pour attaquer le Jubaland et en tentant d’arrêter son président nouvellement élu, Ahmed Mohamed Islam, il a exacerbé les tensions et provoqué une effusion de sang inutile.
Le peuple somalien observe de près ce conflit et il est clair qu’Ahmed Islam ne peut pas assumer la responsabilité des pertes de vies humaines et des dégâts matériels causés par la guerre d’aujourd’hui à Raaskamboni, dans le Jubaland. Le gouvernement fédéral, sous la direction de Hassan Sheikh, doit assumer ses responsabilités pour les actions inconstitutionnelles et immorales qui ont conduit à cette crise.
Il est navrant d’assister à cette guerre fratricide, et trouver une solution pacifique est essentiel pour éviter de nouvelles effusions de sang et de nouvelles destructions. Le président Hassan Sheikh doit être tenu responsable de ses actes et des conséquences dévastatrices du conflit actuel.
Certaines personnalités politiques somaliennes ont exprimé leur inquiétude face au conflit en cours provoqué par l’échec du leadership de Hassan Sheikh. L’ancien président Cheikh Sharif, l’ancien Premier ministre Hassan Ali Khaire et Abdirahman Abdishakur ont tous fait des déclarations sur la question après le début de la guerre entre le SNA, envoyé par Hassan Cheikh, et les forces de l’État du Jubaland à Raaskambooni.
Personnellement, j’apprécie leur sage compréhension de la situation, mais cela doit continuer avec force. Les élites somaliennes doivent s’unir sur cette question pour mettre un terme aux ambitions destructrices de Hassan Sheikh.
Implications pour l’avenir fédéral de la Somalie
Ces conflits croissants ont mis en lumière les faiblesses sous-jacentes du système fédéral somalien. Plutôt que de favoriser l’unité, l’arrangement fédéral est devenu un champ de bataille pour les manœuvres politiques et la consolidation du pouvoir. La confiance fragile entre le gouvernement central et les États fédéraux s’érode, menaçant de mettre à mal les acquis durement acquis au cours des deux dernières décennies.
Le système fédéral somalien a été conçu pour équilibrer les pouvoirs et garantir l’autonomie des États de la région, mais ces principes sont de plus en plus remis en cause. Les tentatives du gouvernement central de centraliser l’autorité, associées à la résistance des dirigeants régionaux, risquent de plonger le pays dans une plus grande instabilité.
La voie à suivre
Pour relever ces défis, les dirigeants somaliens doivent donner la priorité au dialogue et à l’inclusion. Rétablir la confiance entre le gouvernement fédéral et les États régionaux est essentiel pour préserver l’intégrité du système fédéral. Les réformes électorales et les décisions en matière de gouvernance doivent être fondées sur le consensus et le respect du cadre constitutionnel, plutôt que sur des actions unilatérales qui alimentent les divisions.
Sans un engagement renouvelé en faveur d’une gouvernance coopérative, les conflits politiques en Somalie pourraient s’intensifier, mettant en péril les fragiles progrès réalisés dans la reconstruction de la nation. Les enjeux sont élevés et les dirigeants du pays doivent relever le défi de surmonter ces complexités pour garantir une Somalie stable et unie.
Note de l’éditeur : les opinions exprimées dans l’article ne reflètent pas nécessairement celles de Togolais.info
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