Un chemin imparfait vers…

Maria

Cendre Cendre

Le fédéralisme ethnique, notamment tel qu’il est mis en œuvre en Éthiopie, constitue un cadre profondément imparfait pour la construction d’une société cohésive et démocratique. Ce concept, ancré dans les principes idéologiques de la théorie marxiste de Staline et façonné par la « question nationale », vise à organiser la gouvernance selon des critères ethniques, en attribuant le pouvoir politique et le territoire en fonction de l’ethnicité plutôt que de la géographie, de l’idéologie ou des intérêts nationaux partagés. Malgré ses intentions initiales, ce système a eu des conséquences imprévues, l’Éthiopie servant d’exemple parfait de la façon dont le fédéralisme ethnique peut devenir une force centrifuge qui divise au lieu d’unifier.

Les fondements : le fédéralisme ethnique et ses racines marxistes

Les principes fondamentaux du fédéralisme ethnique sont fortement influencés par l’interprétation de la théorie marxiste par Staline, en particulier par ses travaux sur la gestion des diverses identités ethniques au sein de l’Union soviétique. Dans son traité, *La question nationale*, Staline préconisait l’octroi de l’autodétermination aux groupes ethniques, mais dans le cadre d’un État socialiste centralisé. L’autonomie ethnique était autorisée, mais seulement dans la mesure où elle soutenait l’unité et le contrôle globaux du Parti communiste.

Au début des années 1990, les dirigeants éthiopiens, notamment le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), ont adopté ce modèle après la chute du régime du Derg. L’introduction du fédéralisme ethnique en Éthiopie avait pour objectif de gérer la grande diversité ethnique du pays, la Constitution de 1995 définissant officiellement les groupes ethniques comme base de la gouvernance régionale. Cependant, au lieu de favoriser une société plus démocratique et plus inclusive, cette approche a aggravé les divisions et conduit à une instabilité croissante.

Les défauts fondamentaux du fédéralisme ethnique

Division plutôt qu’unité

L’une des critiques les plus importantes du fédéralisme ethnique est qu’il met l’accent sur les différences entre les groupes ethniques au lieu d’encourager l’unité. En structurant le système politique selon des critères ethniques, il renforce l’identité ethnique comme principale source de pouvoir politique et de légitimité. Il en résulte une société dans laquelle la loyauté envers son groupe ethnique supplante souvent la loyauté envers la nation dans son ensemble, faisant de l’unité nationale une considération secondaire.

Au lieu de favoriser l’intégration, le fédéralisme ethnique promeut l’idée que chaque groupe ethnique doit défendre son territoire, ses ressources et ses intérêts politiques contre les autres. Cela peut conduire à une concurrence et à une rivalité ethniques, affaiblissant le sentiment d’identité nationale collective, essentiel à la stabilité et au progrès.

Affaiblissement de la cohésion nationale

Le fédéralisme ethnique porte également atteinte à la cohésion nationale en suggérant que le pouvoir politique devrait être lié à l’identité ethnique. En Éthiopie, chaque groupe ethnique a sa propre région, ce qui crée souvent une situation où les frontières entre identité politique et identité ethnique se confondent. Les citoyens sont encouragés à s’identifier à leur groupe ethnique plutôt qu’à l’identité nationale au sens large. Ce système décourage le développement d’alliances politiques ou de coopérations interethniques, deux éléments essentiels à une société démocratique unifiée.

Risque accru de conflit ethnique

Le système fédéral ethnique accroît le risque de conflit, car les groupes ethniques se disputent le contrôle du territoire et des ressources de leurs régions respectives. En Éthiopie, cela se traduit par des conflits, des violences et des déplacements de population permanents. Les groupes ethniques d’une région fédérale se sentent souvent menacés ou marginalisés par leurs voisins, ce qui conduit à la violence lorsque des groupes tentent d’affirmer leur domination ou de préserver leur autonomie. Ces conflits conduisent souvent à une déstabilisation à la fois au niveau régional et national.

Le modèle de Staline : un cadre de contrôle, pas de démocratie

Le modèle stalinien de fédéralisme ethnique était, à la base, conçu comme un moyen d’apaiser les groupes ethniques sans leur accorder véritablement une autonomie complète. Il s’agissait d’un outil de gestion de la diversité tout en maintenant un contrôle centralisé fort sur l’Union soviétique. La version éthiopienne du fédéralisme ethnique reflète cette approche. Si les groupes ethniques se voyaient accorder le droit à l’autonomie, une grande partie du pouvoir restait centralisée au sein du parti au pouvoir, en particulier sous le TPLF.

Ce système a donné naissance à un système dans lequel les élites ethniques étaient habilitées, mais où la véritable autonomie n’a jamais été pleinement réalisée. Le paysage politique est resté contrôlé par une autorité centrale, qui manipulait souvent les divisions ethniques à des fins politiques plutôt qu’à des fins de promotion d’une véritable autonomie ou d’une démocratie.

Atteinte aux principes démocratiques

Le fédéralisme ethnique nuit également au développement d’une véritable gouvernance démocratique en liant la légitimité politique à l’appartenance ethnique plutôt qu’au mérite, à l’idéologie ou aux performances individuelles. Les dirigeants sont souvent choisis en fonction de leur appartenance ethnique et non de leur capacité à représenter tous les citoyens. Cela affaiblit le processus démocratique, car les individus issus de groupes minoritaires au sein d’une région peuvent se sentir marginalisés ou exclus du pouvoir politique.

En outre, le fédéralisme ethnique limite la capacité des partis ou mouvements politiques nationaux à former de larges coalitions fondées sur des idées, des principes ou des objectifs communs. Au lieu de cela, le paysage politique se fragmente selon des lignes ethniques, ce qui rend difficile la construction d’un consensus ou la promotion des intérêts nationaux au détriment des intérêts locaux ou ethniques.

Marginalisation des minorités

Dans les régions dominées par un seul groupe ethnique, les minorités sont souvent victimes de discrimination ou de marginalisation. Le fédéralisme ethnique tend à renforcer le pouvoir des groupes ethniques majoritaires dans leurs régions, laissant les minorités sans représentation ou protection politique adéquate. Cela peut conduire à des inégalités systémiques et exacerber les tensions sociales, car les groupes minoritaires se voient refuser les mêmes droits et opportunités que leurs homologues ethniques majoritaires.

Le contexte éthiopien : une étude de cas sur le fédéralisme ethnique

L’expérience éthiopienne de fédéralisme ethnique, introduite en 1995, avait pour but de gérer la diversité ethnique du pays et de répondre aux griefs historiques. Cependant, les résultats ont été loin d’être pacifiques. Au lieu de créer une société harmonieuse et autonome, le fédéralisme ethnique a aggravé les divisions ethniques et contribué à la persistance des conflits et de l’instabilité. Les efforts du gouvernement dirigé par le TPLF pour maintenir le contrôle du pays par le biais de ce système ont conduit à un environnement dans lequel la compétition ethnique pour le pouvoir a remplacé la coopération nationale, avec des conséquences désastreuses pour la démocratie et la cohésion sociale.

Vers un avenir plus inclusif

Pour construire une société plus cohésive et démocratique, beaucoup estiment que l’Éthiopie doit s’éloigner du fédéralisme ethnique et adopter une forme de gouvernance plus inclusive, fondée sur la géographie ou les intérêts nationaux communs plutôt que sur l’ethnicité. Un véritable système fédéral, fondé sur la géographie, permettrait aux régions de se gouverner elles-mêmes tout en favorisant un fort sentiment d’unité nationale. Cela créerait un système dans lequel les droits des citoyens seraient protégés quelle que soit leur origine ethnique et où le pouvoir politique serait fondé sur le mérite et la performance individuels plutôt que sur l’identité ethnique.

Le fédéralisme ethnique, calqué sur l’approche stalinienne de gestion de la diversité ethnique, s’est révélé être une force de division et de déstabilisation en Éthiopie. Alors que le pays se tourne vers l’avenir, la transition vers un système démocratique plus inclusif, fondé sur des valeurs communes et l’unité nationale, pourrait être la clé pour favoriser la paix, la stabilité et une véritable démocratie à long terme.

Note de l’éditeur : les opinions exprimées dans l’article ne reflètent pas nécessairement celles de Togolais.info

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