Pourquoi défendre le Cedi est le devoir civique de tout Ghanéen

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Par Emmanuel Boakye Ansah

A soixante ans d’âge, le Cedi ghanéen est bien plus qu’une monnaie, c’est un emblème vivant de notre souveraineté, un miroir reflétant notre parcours économique et un test de notre foi collective dans l’histoire ghanéenne. Le Cedi a été témoin des triomphes, des luttes et de la résilience de notre République. Il a enduré les vagues d’inflation, de réformes et de redénominations, mais il continue de constituer l’élément vital de notre économie. Alors que nous commémorons le Cedi@60, nous devons aller au-delà de la célébration. Ce moment appelle à l’introspection et à l’action. Défendre le Cedi, plus que jamais, est un devoir civique pour chaque Ghanéen.

Pendant trop longtemps, le sort du Cedi a été envisagé uniquement à travers le prisme de la politique gouvernementale et des décisions des banques centrales. Même si la discipline budgétaire et monétaire reste essentielle, la véritable force du Cedi dépend en fin de compte du comportement collectif. La façon dont nous échangeons, économisons, parlons et pensons à notre monnaie. L’idée selon laquelle la défense du Cedi relève uniquement de la responsabilité du gouvernement n’est pas seulement erronée ; c’est dangereux. La stabilité de notre monnaie est une responsabilité partagée qui appelle à la discipline nationale et au patriotisme dans les choix quotidiens.

Commençons par affronter une vérité inconfortable : notre dépendance excessive à l’égard du dollar américain dans les transactions intérieures a discrètement érodé la confiance dans notre propre monnaie. Des annonces immobilières aux frais de scolarité, en passant par les ventes de voitures et même certains services d’accueil, la dollarisation rampante de notre économie a créé un fossé psychologique entre les aspirations et la réalité. Cela envoie le message que le succès doit être mesuré en dollars, et non en fonction de la force de notre propre Cedi.

Mais nous ne pouvons pas construire le Ghana avec la monnaie d’un autre. Chaque fois que nous choisissons d’échanger, de valoriser ou d’économiser en devises étrangères lorsque le Cedi est disponible, nous contribuons à sa dépréciation. Chaque fois que nous thésaurons des billets étrangers par peur, nous affaiblissons notre propre moyen d’échange. Ce schéma doit cesser. Comme nous l’a rappelé le ministre des Finances, le Dr Cassiel Ato Forson lors du lancement du Cedi@60, « le dollar américain n’est pas notre monnaie. La fixation continue des prix des biens et services en dollars américains ne fera que nous nuire. Arrêtons cela ». Ce ne sont pas seulement des mots d’avertissement, mais aussi un appel à l’action civique.

La défense du Cedi commence par la confiance, confiance née non d’un optimisme aveugle, mais d’une reconnaissance de ce que représente le Cedi. Lorsque le Dr Kwame Nkrumah a introduit le Cedi en 1965, il s’agissait de plus qu’une réforme monétaire ; c’était une déclaration d’indépendance. Le remplacement de la livre britannique d’Afrique de l’Ouest symbolisait notre rupture avec les structures économiques coloniales et notre adhésion à l’autodétermination. Aujourd’hui, ce symbolisme perdure. Perdre confiance dans le Cedi, c’est perdre confiance dans la capacité du Ghana à façonner son propre destin.

Bien entendu, le gouvernement doit montrer l’exemple. La discipline budgétaire, des emprunts prudents, des dépenses publiques efficaces et une forte mobilisation des recettes restent essentiels au maintien d’un Cedi stable. Le ministère des Finances, en collaboration avec la Banque du Ghana, continue d’œuvrer en faveur de la stabilité macroéconomique, d’une gestion responsable de la dette et du renforcement des réserves de change. Mais ces efforts ne peuvent réussir que si les citoyens les complètent par un comportement financier responsable.

Qu’est-ce que cela signifie en pratique ? Cela signifie choisir d’épargner en Cedis au lieu de se précipiter pour convertir les gains en dollars. Cela signifie soutenir la production locale, car chaque importation que nous remplaçons par un produit national renforce la valeur de notre monnaie. Cela signifie rejeter la culture consistant à fixer les prix des produits en devises étrangères et à signaler les entreprises qui se livrent à de telles pratiques. Cela signifie également parler positivement de notre économie, car la confiance économique, comme toute autre forme de confiance, se nourrit de la perception.

La défense du Cedi n’est pas seulement une question économique ; il s’agit d’une question de nation. Notre attitude envers le Cedi reflète notre attitude envers le Ghana. Un peuple qui doute de sa monnaie doute de son propre potentiel. Lorsque nous protégeons le Cedi, nous ne préservons pas seulement un moyen d’échange ; nous préservons l’essence de notre fierté nationale et de notre souveraineté.

Nous devons également rappeler que la défense du Cedi relève de la responsabilité intergénérationnelle. Le jeune Ghanéen qui entre aujourd’hui sur le marché du travail mérite une monnaie capable de résister aux chocs et de soutenir les opportunités. L’entrepreneur mérite un environnement financier dans lequel la monnaie locale peut soutenir une planification à long terme. L’agriculteur, le commerçant, l’enseignant et l’infirmière dépendent tous d’un Cedi stable pour leur subsistance. En bref, un Cedi fort est la base sur laquelle repose une prospérité partagée.

Alors que nous célébrons les soixante ans du Cedi ghanéen, consacrons-nous à nouveau à sa protection. Tenons-nous responsables de la manière dont nous le traitons. Parlons-en avec fierté et non avec frustration. Faisons du commerce avec lui, économisons avec lui et défendons-le, non pas parce que nous y sommes contraints, mais parce qu’il nous appartient.

L’histoire du Cedi est en fin de compte l’histoire du Ghana lui-même, résilient, évolutif et plein de promesses. Sa pérennité ne dépend pas de quelques technocrates ou décideurs politiques, mais des décisions quotidiennes de millions de citoyens. Le Cedi nous sert depuis soixante ans. Maintenant, c’est à notre tour de le servir.

Défendre le Cedi, c’est défendre le Ghana. Et c’est effectivement le devoir civique de tout citoyen.

L’écrivain Emmanuel Boakye Ansah est Ag. Responsable des relations publiques

ministère des Finances