Nigeria : retracer la montée des groupes « sectaires » à une « mafia africaine »

Maria

Nigeria : retracer la montée des groupes « sectaires » à une « mafia africaine »

En Europe, le crime organisé italien prend différentes formes – Camorra, Cosa Nostra, ‘Ndrangheta, tandis que d’autres organisations criminelles des Balkans (Albanie et Serbie), de Russie et de Géorgie se bousculent pour le pouvoir. Ils sont tous impliqués dans des trafics que les États européens combattent avec plus ou moins de détermination, parfois avec des moyens limités et des résultats incertains.

Ces dernières années, la terre connue sous le nom de Vieux Continent s’est familiarisée avec une nouvelle forme de mafia : les Nigérians cultesactuellement très active en Italie et en France, notamment dans les domaines de la traite des êtres humains, de la prostitution, de la drogue et de la cybercriminalité.

Tabou au Nigeria

A l’origine, le cultes n’avait rien à voir avec une quelconque organisation criminelle et la violence qui l’accompagne. « Ils ont été créés en 1952, sur les campus de certaines universités du sud du Nigeria », explique Joan Tilouine, co-auteur de Mafia Afrique. C’était une confrérie d’étudiants d’un certain niveau d’instruction, une sorte d’élite intellectuelle.

« Cultes étaient, et sont toujours, officiellement interdits au Nigeria. Les autorités n’ont pas vu d’un bon œil l’émergence de ce mouvement, car elles y voyaient un contre-pouvoir potentiel, mais elles ont appris à les utiliser pour servir leurs propres intérêts. Il reste un sujet tabou dans le pays, alors que le cultes se sont propagées à toutes les couches de la société, même les plus puissantes », explique Tilouine.

Du campus aux rues de Benin City

Aujourd’hui, cultistes ne sont guère recrutés dans les universités, mais plutôt dans les rues de Benin City, la capitale de l’État d’Edo dans le sud du pays, d’où sont originaires les deux premiers. Certains de leurs membres sont des politiciens, des hommes d’affaires, des hauts fonctionnaires et même des stars de l’Afropop.

« Mafia Africa » ​​de Célia Lebur et Joan Tilouine

« Tous les cultistes ne prônent pas la violence, au contraire. Certains des intellectuels essaient de garder vivante la dimension originelle des sectes, mais c’est de plus en plus difficile », dit-elle.

Maphite et Black Axe basés à Benin City cultiste des confréries sont nées sur le campus. Célia Lebur et Joan Tilouine ont mené leur enquête dans cette ville représentative du Nigeria, immense pays criblé d’inégalités.

Certains des dirigeants de la cultes vivre dans un quartier chic de la villenon loin des zones les plus pauvres, où sont recrutés les sous-fifres.

« A Benin City, enquêter a été plus difficile qu’à Marseille ou en Italie. Nous devions trouver des personnes qui acceptaient de nous parler et de nous accompagner dans des quartiers dangereux où deux journalistes européens pouvaient facilement être repérés », explique Tilouine.

Bien que le cultes sont purement nigérians – « il n’y a pas de confrérie comparable ailleurs en Afrique », dit le journaliste – ils ont étendu leur rayonnement, d’abord sur le continent, notamment dans le golfe de Guinée et en Côte d’Ivoire, puis en Europe, et même au Japon et Brésil, où le cultistes ont réussi à établir des relations « professionnelles » avec yakuza et le brésilien cartels. Ils ont fait de même en Italie, notamment à Palerme, où leurs membres travaillent parfois pour la mafia locale.

A Marseille, la violence n’est pas un problème

La cohabitation avec les trafiquants locaux, que les gangs nigérians ne craignent guère, s’avère conflictuelle, même si ces derniers ne semblent pas en mesure de concurrencer les premiers, notamment dans le trafic de drogue.

Ces organisations mafieuses se caractérisent également par leur violence, qui touche majoritairement les Nigérians. Le règlement de comptes entre rivaux cultes est fréquent, et pas seulement dans les bas-fonds de Benin City quand la nuit tombe.

A Marseille aussi, Vikings, Eiye et Black Axe, trois de ces groupes criminels, n’hésitent pas à s’affronter physiquement dans la rue. Mais, plus grave, ils utilisent la violence contre certains de leurs compatriotes, qu’ils font venir du Nigeria, via le Niger ou la Libye, dans des conditions inhumaines.

Ça ne s’arrêtera pas. Au contraire, surtout avec la route migratoire.

Les femmes contraintes de se prostituer sur la route migratoire ainsi qu’en Europe sont particulièrement touchées. Marseille est la ville française où cultes sont les plus établis et les plus actifs et ce depuis 15 ans.

Certaines femmes nigérianes, victimes de violences cultistesont osé rompre le silence en s’adressant aux services sociaux, voire en portant plainte, et ont attiré l’attention de la police et des médias.

Pour Tilouine, le culte phénomène est appelé à croître et à s’épanouir.

« Ça ne s’arrêtera pas. Au contraire, surtout avec la route migratoire. Les Etats européens font ce qu’ils peuvent pour lutter contre ces structures pas toujours bien organisées, dont certains membres sont incontrôlables. Il y a des désaccords entre dirigeants sur les méthodes, parfois jugées trop violentes.

Le Nigeria était connu en Europe pour son équipe nationale de football, son pétrole et son Afropop. Désormais, il sera connu pour sa mafia.

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