« Nous ne permettrons pas coup sur coup », a déclaré Tinubu le 9 juillet, donnant le ton à Bissau après sa nomination à la présidence de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Tinubu a vigoureusement défendu la démocratie et a clairement indiqué qu’il adopterait la ligne la plus ferme possible avec les putschistes militaires au pouvoir au Mali, au Burkina Faso et en Guinée.
« Nous n’avons pas investi dans nos armées, leurs uniformes, leur formation et leurs bottes pour qu’elles puissent se retourner contre le peuple », a déclaré Tinubu. « Nous avons investi en eux pour défendre la souveraineté de leur pays, et maintenant ils veulent mettre en place leur propre gouvernement. Nous devons réagir; nous ne pouvons pas rester comme des chiens sans crocs à la CEDEAO. Nous devons riposter.
S’exprimant à l’issue de la conférence du 9 juillet, Oumar Alieu Touray, président de la Commission de la CEDEAO, a déclaré que des « sanctions majeures » pourraient être appliquées aux pays en transition qui ne respecteraient pas leur calendrier électoral. Il les a exhortés à rester « fidèles au calendrier de transition de 24 mois de manière transparente et inclusive avec toutes les parties prenantes ».
Sans gouvernement
Tinubu, pour sa part, a déclaré vouloir envoyer un « signal d’avertissement » aux putschistes. Mais malgré ses propos offensants, la stratégie du nouveau président de la CEDEAO reste floue.
Plus de 40 jours après son investiture à la tête du Nigeria, Tinubu n’a toujours pas nommé ses ministres et n’a donc personne pour s’attaquer à ces brûlants dossiers régionaux.
En attendant, le président nigérian a commencé à cultiver certaines alliances, notamment avec Paris où il a séjourné avant son investiture. « La France reste un partenaire privilégié de la CEDEAO et Tinubu est ouvert à une telle collaboration », indique une source bien informée qui s’est exprimée sous couvert d’anonymat.
Nous devons réagir; nous ne pouvons pas rester comme des chiens sans crocs à la CEDEAO. Nous devons riposter.
Selon la source, Tinubu espère rapprocher la France et le Mali alors que les relations entre les deux pays se sont fortement détériorées, atteignant un point de rupture lorsque le Opération Barkhane parti en 2022.
Médiation nigériane
Depuis plusieurs semaines, Tinubu peaufine sa stratégie régionale. Le 13 juin, il a rencontré Goodluck Jonathan, médiateur de la CEDEAO et ancien président nigérian, à Abuja pour recevoir un rapport sur le référendum constitutionnel en préparation au Mali.
« Le Nigeria a toujours été un militant pro-démocratie dans la région », explique un observateur proche du gouvernement, citant en exemple le rôle joué par Olusegun Obasanjo, un autre ancien président du Nigeria.
Obasanjo a agi comme médiateur après le coup d’État de 2003 dans l’archipel de São Tomé et Príncipe, et a tenté d’apaiser les tensions entre Alassane Ouattara et Guillaume Soro en Côte d’Ivoire en 2017. En 2020, le prédécesseur de Tinubu, Muhammadu Buharis’est fermement opposé au coup d’Etat qui a conduit à la chute d’Ibrahim Boubacar Keita au Mali.
Décrivant le putsch comme « un revers majeur pour la diplomatie régionale avec de graves conséquences pour la paix et la sécurité », il a appelé les autorités maliennes à « agir de manière responsable » pour assurer le rétablissement de l’ordre constitutionnel.
« ADN anti-militaire »
Tinubu s’est soulevé contre la dictature militaire dans son pays au début des années 1990, a été arrêté et contraint à l’exil au Bénin, et est considéré comme un fervent défenseur de la démocratie par certains Nigérians. « C’est dans son ADN d’être anti-militaire », dit l’observateur cité plus haut.
Tinubu estime que la mission de l’armée n’est pas de « violer les principes républicains» mais pour assurer la sécurité de la population.
Déjà confronté à de nombreux défis sécuritaires, le Nigeria veut se protéger de la descente de groupes jihadistes vers le golfe de Guinée et n’entend pas laisser l’instabilité s’étendre à l’Afrique de l’Ouest. « En matière de sécurité, il va être intransigeant », conclut l’observateur.
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