Par Samuel Estefanous
Le dernier communiqué du Morning Star d’Ethiopie – un parti en formation – a attiré mon attention. Les responsables de la ville lui ont refusé le lieu de tenir une conférence de presse, simplement pour l’intimider, ainsi que ses éventuels membres et partisans, une tactique mafieuse perfectionnée par les voyous de l’EPRDF. Le communiqué indique que les membres fondateurs sont restés imperturbables car ils ont obtenu ce qu’ils espéraient. Qui plus est, ils ont laissé entendre que ce n’était qu’un avant-goût et que des mesures plus graves étaient encore à venir. Cependant, face à ce geste brutal et peu accueillant, ils ont solennellement déclaré qu’ils étaient prêts à affronter les moments difficiles qui les attendent.
Le parti en formation promet d’être une bonne force de contrepoids au parti sortant, à en juger par les références de ses membres fondateurs de haut niveau. Qui sait, cela pourrait annoncer l’aube d’une Renaissance éthiopienne se libérant des jougs variés de l’EPRDF. Peut-être que d’autres partis ou membres de l’opposition en difficulté pourraient rejoindre ses rangs et lui apporter leur force. Seul le nom, surtout dans sa version anglaise, sonne décalé, n’est-ce pas ? Morning Star fait plutôt penser à un quotidien et non à une nomenclature de parti.
Une sorte de déjà-vu
Je ne pense pas que les gens sachent grand-chose des voyous de l’EPRDF qui « imposaient la discipline de parti » au sein de la multitude. Ils avaient le pouvoir de prendre le pas sur les responsables de l’application des lois et de les contourner. En pratique, ce sont des militants de la jungle urbaine. Ces derniers – à moins qu’ils ne jouent également le rôle d’éclaireurs du parti – disaient aux victimes de reculer tranquillement en guise de conseils fraternels. En particulier, si la victime trahissait l’accent oromiffa ou avait un nom à consonance oromo, elle était fichue. Il était présumé coupable jusqu’à preuve du contraire. Je ne nie pas le fait qu’il y avait effectivement des fanatiques et des hors-la-loi qui avaient tenté d’agir en dehors du domaine du droit et de le saper ostensiblement. C’est la raison pour laquelle les forces de l’ordre et d’autres organes d’administration de la justice sont en place en premier lieu : pour traduire les hors-la-loi en justice.
Quand je parle de victimes des militants de la jungle urbaine, je ne parle même pas de « suspects légitimes » placés en garde à vue. Il s’agit de personnes portées disparues alors qu’elles étaient retenues en otage par l’État profond. Récemment, lorsque j’ai parcouru les listes de noms publiées par la Commission éthiopienne des droits de l’homme comme « personnes disparues et portées disparues », cette tendance m’a fait grincer des dents. Je me disais « pas encore s’il te plaît ».
Ce qui a ruiné l’EPRDF, c’est le détournement du système d’administration de la justice et sa soumission aux pitreries impitoyables du gouvernement parallèle. Le plus sale, c’est qu’ils suivaient l’exemple classique des chemises noires fascistes dans l’Allemagne nazie et sous l’Italie du Duce. Même les ministres du gouvernement et les parlementaires n’ont pas été épargnés, comme le racontait franchement le général Samora il y a quelques semaines. En quoi est-ce différent de ce que le Dergue avait fait ? Cela ne rappelle-t-il pas le Chili de Pinochet et l’Argentine de Videla et les malheurs du Comité des Mères qui recherchent encore aujourd’hui les corps de leurs enfants disparus ? Pensez-y, certains hauts fonctionnaires du gouvernement ont obtenu leurs diplômes dans des universités étrangères en étudiant de telles atrocités de manière « comparative ». Une éducation qui ne fait pas de quelqu’un une meilleure personne est perdue pour l’étudiant à moins qu’un perroquet extrêmement diligent ne soit pris pour l’excellence académique.
Dans son livre – When the Dawn of Freedom Breaks – le Dr Berhanu Nega raconte cette expérience déchirante de manière très détaillée. Son point de vue est partagé par d’autres prisonniers d’opinion de premier plan. L’une des victimes a même mérité une dédicace de la part de Berhanu en guise d’expression de solidarité. Les victimes de l’État profond parallèle envient celles qui sont entre les mains des forces de l’ordre, même si leur détention est illégale et non procédurale. L’économie parallèle soutenait son homologue du Deep State et son efficacité était irréprochable. Je me souviens qu’à cette époque, de bons hommes d’affaires du Mercato, qui payaient des impôts, avaient demandé à l’IRM d’empêcher les convois militaires d’introduire clandestinement des marchandises dans le pays. Un bon nombre d’entre eux ont finalement fait faillite, certains ont incroyablement prospéré grâce à des alignements pratiques et commodes.
L’EPRDF n’a pas appris des erreurs du Dergue et a continué jusqu’à la dernière heure à chanter des chants de bataille glorifiant son invincibilité, sachant pertinemment que le Dergue s’était précipité vers la tombe et que le premier avait juste nettoyé le désordre derrière lui. Qui plus est, oubliant le fait que le seul pouvoir invincible est le peuple, il a marginalisé l’écrasante majorité et a dépensé toute sa force et sa richesse pour former une armée d’État développementiste soudée. Quiconque a travaillé dans le gouvernement ou dans des services affiliés sait comment chaque capital humain était organisé comme une armée, le reste des Éthiopiens jouant un rôle auxiliaire.
Il suffit de lire les deux livres du premier ministre – tous deux inspirés du Rêve d’Obama de mon père et de L’audace d’espérer – pour comprendre comment le système a fonctionné et comment il a échoué de façon spectaculaire. Nous avions pris les deux livres comme faisant partie du sacrement de la mauvaise conscience et nous attendions à ce que la Synergie brise le cercle vicieux. Malheureusement, comme en témoigne le dernier rapport de l’EHRC, nous n’avons pas pu nous libérer de la boucle et une fois de plus, d’épais nuages de peur et de découragement se sont abattus sur la nation. On dirait que le PP s’est révélé être un parti impénitent de l’EPRDF à moins qu’il ne prenne des mesures drastiques pour se racheter.
Le phénomène « Eftin »
On pourrait raisonnablement supposer que tous les réseaux de médias indépendants se déchaîneraient contre les auteurs du crime que l’EHRC a courageusement dénoncé – pas nécessairement.
Ceci est strictement réservé aux personnes plus âgées et à ceux qui ont atteint leur majorité vers 2005. Les jeunes ont peut-être été oubliés dans le drame. Sous la supervision étroite et la direction d’Ato Bereket, l’EPRDF a pu former une armée de soldats bien informés et instruits. scribes qui pourrait influencer subtilement l’intellectuel urbain en infiltrant les rangs de l’arrière-cour de l’opposition. Certains sont des noms familiers et des professionnels réputés. Quelques-uns sont encore actifs au sein du gouvernement. Intelligemment, je dirais, ils ont compris qu’éviter les médias sociaux de l’époque – les « presses de caniveau » publiques – et essayer d’impliquer la majorité instruite et silencieuse accro à Tobia prouverait en fin de compte le triomphe de l’EPRDF.
Ils dirigent plusieurs publications, l’une étant Eftin (je crois que c’est un mot emprunté aux bons vieux Afaris comme Dagu). Ils ont accès au pouvoir. Leurs conseils étaient aussi bons que les dernières nouvelles. Ils pourraient en fait donner des informations à leurs lecteurs sur un projet de proclamation dont le président de la Chambre n’avait aucune idée. Ils pourraient réprimander un EPRDFite « gumtu » et s’en tirer sans problème, contrairement au reste de la presse libre. Conscients de la tendance établie selon laquelle le seul organe auquel le public éthiopien ne tournerait pas le dos est l’armée, ils lui consacreraient du temps d’antenne et de l’espace et la décriraient comme le gardien de la Constitution, c’est-à-dire le Front.
La raison pour laquelle j’ai dit que cela ne sonnerait peut-être pas quelque chose aux moins de trente ans, c’est qu’ils ne reconnaîtraient peut-être pas les Eftins de l’époque (somptueusement fournis et conquérant les ondes avec style) à moins d’avoir connu les Eftins d’hier. Les Eftins d’aujourd’hui surpassent presque leurs homologues de l’EPRDF – comme je l’ai dit avec style ; peut-être qu’ils passent une journée sur le terrain libre en l’absence de l’examen minutieux d’un magazine comme Tobia. La question est de savoir à quoi cela servirait à long terme ?
Que Dieu bénisse.
L’écrivain peut être contacté à : estefanoussamuel@yahoo.com
Note de l’éditeur : les opinions exprimées dans l’article ne reflètent pas nécessairement celles de Togolais.info
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