L’horizon tumultueux de la Corne de l’Afrique : naviguer dans le Maelström

Maria

Tasses à café et carrefour politique

Carte Google de la région de la Corne de l’Afrique

Par Mohamud A. Ahmed – Cagaweyne

De l’ambiance sereine du Radisson Blue Hotel à Nairobi au cœur animé de la diplomatie de l’Afrique de l’Est, je sirote mon café pendant que mon esprit se débat avec les horizons orageux de la Corne de l’Afrique. Les défis sont vastes et interconnectés, depuis les crises constitutionnelles en Somalie jusqu’aux alliances changeantes en Éthiopie. Les trajectoires de dirigeants comme Ahmed Madobe, Hassan Sheikh Mohamud et le Dr Abiy Ahmed s’entrelacent dans une symphonie politique d’ambition, de résilience et de survie. La chaleur du café contraste fortement avec la froide réalité des paris politiques qui pourraient remodeler le destin de la région.

Ahmed Madobe : le vétéran à la croisée des chemins

Ahmed Madobe, un nom synonyme de défi et de survie, fait face à ce qui pourrait être son ultime épreuve. Réélu pour un troisième mandat au Jubaland, son parcours politique reflète la ténacité d’un homme qui a survécu non pas à une mais à deux tentatives précédentes pour le renverser. Cependant, ce terme pourrait s’avérer être son chant du cygne alors que les conflits s’amplifient à nouveau.

L’impasse entre le Jubaland et le gouvernement fédéral somalien fait écho à une crise constitutionnelle plus profonde. Cette fracture met à nu le tissu fragmenté d’une nation où le fédéralisme existe en principe mais vacille dans la pratique. La lutte d’Ahmed Madobe pour préserver l’autonomie du Jubaland pourrait par inadvertance offrir au Dr Abiy Ahmed d’Éthiopie une fenêtre en or pour influencer la politique somalienne. La résilience de Madobe pourrait-elle involontairement catalyser les ambitions de l’Éthiopie en Somalie ? Les mois à venir détermineront si Madobe traversera ou sombrera dans ces tempêtes politiques.

Hassan Sheikh Mohamud : Les fissures dans la façade

La gestion par Hassan Sheikh Mohamud des crises politiques actuelles a non seulement compromis ses chances de prolonger sa présidence, mais a également révélé un manque surprenant de l’astuce politique que beaucoup lui attribuaient autrefois. Son incapacité à dissimuler efficacement ses motivations intérieures – qu’elles soient motivées par une ambition personnelle ou des erreurs de calcul stratégiques – a érodé l’image soigneusement cultivée d’un dirigeant adepte de l’équilibre entre l’unité somalienne et une gouvernance affirmée.

Ce manque de finesse a laissé ses intentions nues, diminuant sa crédibilité tant au niveau national que régional. En choisissant de renouer avec le Dr Abiy Ahmed, malgré sa posture initiale de fervent défenseur de la souveraineté somalienne, Mohamud s’est non seulement aliéné une partie importante de sa base de soutien, mais a également miné la perception de sa clairvoyance stratégique. Ce qui aurait pu être un moment de recalibrage discret s’est transformé en un faux pas flagrant, révélant un dirigeant qui a surestimé son jeu et sous-estimé l’intelligence politique de ceux qui l’observaient de près. Dans le domaine politique aux enjeux élevés, les erreurs de calcul de Mohamud pourraient lui coûter non seulement son héritage mais aussi la stabilité précaire de la Somalie.

Dr Abiy Ahmed : le stratège en matière de patients

Le Dr Abiy Ahmed, longtemps scruté pour ses ouvertures affirmées à l’égard de la Somalie, a affronté le scepticisme généralisé parmi les Somaliens, dont beaucoup considèrent l’Éthiopie moins comme une nation fraternelle que comme un adversaire éternel. Cette méfiance profondément ancrée a souvent éclipsé ses actions, les présentant comme une rupture avec le rôle traditionnel de l’Éthiopie en tant que force stabilisatrice dans la Corne de l’Afrique. Au cours de l’année écoulée, les critiques ont pointé du doigt ses manœuvres – allant des ambitions territoriales perçues jusqu’à l’ingérence présumée dans la souveraineté de la Somalie – comme la preuve d’un dirigeant dont la réputation réformiste est en déclin.

Pourtant, dans le paysage politique en constante évolution de la Corne de l’Afrique, la patience stratégique d’Abiy est apparue comme un contrepoids à ces critiques. Les faux pas de Hassan Sheikh Mohamud ont ouvert une fenêtre inattendue permettant à Abiy de recalibrer son approche et de refondre son image. En recadrant soigneusement son récit et en attendant son heure, Abiy se trouve désormais en mesure de récupérer une partie du terrain perdu à cause de la méfiance et du scepticisme, orientant subtilement le dialogue vers le potentiel de l’Éthiopie en tant que force stabilisatrice dans la région.

Il convient de noter que lorsque le Dr Abiy a signé le protocole d’accord avec le président sortant du Somaliland en janvier, ses intentions n’ont peut-être jamais été mal motivées. L’accord, considéré par certains comme une mesure pragmatique visant à favoriser la coopération économique et régionale, a été rapidement transformé en arme par Hassan Sheikh Mohamud, qui a décrit Abiy comme un dirigeant cherchant à s’emparer du territoire somalien. Alors qu’Abiy a par la suite ralenti la mise en œuvre du protocole d’accord, probablement en réponse aux réactions négatives, Mohamud a utilisé les cris insultants qui l’entouraient comme un outil pour ternir l’image d’Abiy auprès des Somaliens. Pourtant, dans les mois à venir, ce récit pourrait prouver le contraire. L’approche calculée d’Abiy et sa décision de minimiser le protocole d’accord pourraient mettre en valeur sa capacité à donner la priorité à la stabilité régionale plutôt qu’aux gains à court terme, le positionnant davantage comme un acteur patient et stratégique dans la Corne de l’Afrique.

En se positionnant subtilement comme un leader doté de la patience et de la vision nécessaires pour gérer les complexités de la région, Abiy est désormais prêt à tirer parti du leadership chancelant de Mohamud à l’avantage de l’Éthiopie, remédiant ainsi à bon nombre des points négatifs qui avaient assombri sa réputation au cours des 11 derniers mois.

La position calculée du Kenya : la sécurité avant la politique

Pour le Kenya, le verdict est sans appel. L’alignement sur Ahmed Madobe transcende le simple calcul politique ; c’est une nécessité stratégique. En tant que dirigeant du Jubaland, un État partageant des frontières critiques avec le Kenya, Madobe représente un rempart contre les forces déstabilisatrices qui menacent la région. En soutenant un dirigeant dont le dévouement à la sécurité et à la stabilité régionales est prouvé, le Kenya protège non seulement ses intérêts souverains, mais fortifie également ses frontières contre les ombres envahissantes de l’instabilité. Cette alliance reflète la reconnaissance par le Kenya du fait que la sécurité de ses frontières nord-est est étroitement liée à la stabilité du Jubaland, faisant du leadership de Madobe un élément central de son architecture de sécurité nationale.

Pourtant, l’approche du Kenya est loin d’être simpliste. Tout en restant fidèle à son soutien, Nairobi reste consciente des implications à long terme de son alignement. L’équilibre délicat entre le maintien de la stabilité régionale et le soutien à l’intégration du Jubaland dans le fédéralisme somalien requiert de la finesse diplomatique. L’inévitabilité des transitions à la tête du Jubaland se profile, et le Kenya doit gérer judicieusement son alliance pour garantir que tout vide de pouvoir soit rapidement comblé, de peur qu’il ne soit exploité par des forces malveillantes.

Un chemin étroit : des alternatives à Ahmed Madobe

Si Hassan Sheikh Mohamud et son Premier ministre, Hamza Abdi Barre, peuvent présenter une alternative crédible à Ahmed Madobe, la porte au changement de la dynamique politique au Jubaland n’est pas entièrement fermée – même si elle reste entrouverte et extrêmement étroite. La perspective de renverser un dirigeant jouissant d’une influence profondément enracinée et ayant fait ses preuves en matière de maintien de la sécurité régionale constitue un défi de taille. Cependant, pour que cette transition soit viable, l’alternative doit démontrer non seulement une compétence en matière de gouvernance, mais également un engagement inébranlable en faveur de la stabilité régionale et une capacité à unir les divers intérêts du Jubaland sous l’égide plus large du fédéralisme somalien.

Le défi consiste à élaborer une alternative qui gagne la confiance des parties prenantes locales, réponde aux aspirations des citoyens du Jubaland et réponde aux préoccupations de sécurité nationale du Kenya. Sans un candidat aussi méticuleusement conçu et largement soutenu, toute tentative de remplacer Madobe risque de plonger le Jubaland dans le chaos, sapant à la fois la cohésion fédérale de la Somalie et la stabilité régionale. Ainsi, même si les chances existent, elles sont minces et exigent un niveau d’ingéniosité politique et de recherche de consensus dont l’administration de Hassan Sheikh Mohamud n’a pas encore fait preuve de manière convaincante.

Conclusion : La Symphonie inachevée du cor

La Corne de l’Afrique se trouve à un moment critique où les décisions de quelques-uns se répercuteront sur la vie de millions de personnes. Les crises constitutionnelles en Somalie, les manœuvres stratégiques de l’Éthiopie et les implications géopolitiques plus larges tissent un récit complexe.

En finissant mon café, je me souviens que l’histoire du Horn est loin d’être terminée. C’est une symphonie de notes inachevées, une danse de pouvoir et de principes qui continue de se déployer. Ma plume a peut-être du mal à tout saisir, mais les échos de ces défis exigent réflexion, analyse et, par-dessus tout, espoir d’un avenir guidé par la grâce et la sagesse.

L’écrivain peut être contacté au : 251900644648

Note de l’éditeur : les opinions exprimées dans l’article ne reflètent pas nécessairement celles de Togolais.info

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