Les églises de Lalibela contre Notre-Dame de Paris Solomon A

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Notre-Dame de Paris (à gauche) et Lalibela (à droite)

Par Salomon A.

Le 3 décembre 2024, une frappe de drone a dévasté la ville de Bilbala, près de Lalibela, dans la région d’Amhara en Éthiopie, illustrant l’engagement indéfectible du régime Oromo à démanteler le patrimoine Amhara et à diminuer l’importance historique, culturelle et économique du peuple Amhara en Éthiopie. Le drone turc Bayraktar TB2 a visé une résidence vers 23h40, entraînant la mort immédiate de dizaines de personnes, dont une femme âgée de 80 ans, et en blessant de nombreuses autres. Cette attaque marque un autre épisode troublant dans les efforts parrainés par l’État pour effacer l’héritage Amhara et réviser l’histoire éthiopienne pour l’aligner sur le récit Oromo. Les frappes de missiles ont également compromis l’intégrité structurelle des anciennes églises, mais aucune condamnation substantielle n’a été émise par la communauté internationale.

Dans d’autres régions du monde, le 8 décembre 2024, la France accueillera des visiteurs du monde entier pour la grande réouverture de Notre-Dame de Paris, célébrant l’aboutissement d’une restauration méticuleuse de cinq ans après l’incendie catastrophique de 2019. Cet événement signifie non seulement la renaissance de l’un des monuments architecturaux et spirituels les plus emblématiques du monde, mais met également en évidence la solidarité mondiale et l’action rapide qui ont rendu cela possible. À l’opposé, les églises taillées dans le roc de Lalibela, icônes culturelles et religieuses tout aussi importantes, sont confrontées à des menaces croissantes de négligence, de dommages causés par le conflit et de dégradation de l’environnement. Contrairement à Notre-Dame, Lalibela souffre d’un manque flagrant de priorités nationales et de plaidoyer international, encore compliqué par le paysage politique éthiopien, où les récits anti-Amhara propagés par le gouvernement dirigé par Oromo ont affaibli l’héritage commun de la nation.

Lalibela : un témoignage de la civilisation Amhara

Les églises rupestres de Lalibela, taillées aux XIIe et XIIIe siècles sous le règne du roi Lalibela, ont été conçues comme une « Nouvelle Jérusalem ». En réponse à la conquête musulmane de Jérusalem, qui empêchait les chrétiens éthiopiens de faire des pèlerinages, le roi Lalibela avait pour objectif d’établir une réplique sacrée en Éthiopie. Ces structures ne sont pas de simples monuments religieux mais représentent l’ingéniosité, le dévouement spirituel et l’identité culturelle du peuple Amhara. Ils servent de sanctuaire aux chrétiens orthodoxes éthiopiens et constituent la pierre angulaire de la vie spirituelle et culturelle de millions de personnes.

Mais cet héritage est directement menacé. Les rapports indiquent que les églises ont été négligées, ont subi des dommages causés par l’artillerie de gros calibre lors des récents conflits et ont vu leur intégrité structurelle se détériorer en raison de facteurs environnementaux. Les vibrations provoquées par les affrontements à proximité, notamment entre les Forces de défense nationale éthiopiennes (ENDF) et les combattants de la liberté de Fano, ont provoqué des fissures dans les parois rocheuses, mettant en péril la stabilité de ces anciennes structures. Ces problèmes ne sont pas accessoires ; ils sont intensifiés par les discours politiques qui cherchent à saper les institutions liées à l’Amhara, notamment l’Église orthodoxe éthiopienne et son patrimoine culturel.

Contexte politique : les récits anti-Amhara et leurs conséquences

Le gouvernement éthiopien, dominé par les élites oromo, a développé un programme anti-Amhara qui qualifie le peuple Amhara d’oppresseur historique. Ce récit incite à des attaques systématiques contre les symboles culturels amhara, y compris des monuments importants comme Lalibela et la raison pour laquelle l’Église orthodoxe, au cœur de l’identité amhara, est devenue une cible fréquente de cette rhétorique. Le ciblage de Lalibela incarne une initiative plus large visant à effacer les contributions historiques et culturelles du peuple Amhara. La destruction de manuscrits, la profanation de lieux saints et la marginalisation des chefs religieux mettent en évidence une campagne délibérée visant à saper le tissu spirituel et culturel de la communauté Amhara.

Une histoire de deux réponses : Lalibela et Notre-Dame

La réponse mondiale à l’incendie de Notre-Dame contraste fortement avec l’indifférence qui règne à Lalibela. Après l’effondrement de la flèche de la cathédrale en 2019, le président français Emmanuel Macron s’est rapidement engagé à restaurer le site d’ici cinq ans. Les dons ont afflué du monde entier, mobilisant les artisans internationaux et la technologie moderne pour reconstruire la structure emblématique. Cela culmine le 8 décembre 2024, avec la réouverture, démontrant le pouvoir de la détermination collective pour restaurer un symbole culturel.

À l’inverse, le gouvernement éthiopien n’a même pas fourni une protection de base ni financé la préservation de Lalibela. Malgré leur inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO, les églises restent vulnérables aux menaces naturelles et anthropiques. Bien que l’UNESCO ait exprimé ses inquiétudes, une action significative a été entravée par l’inertie politique et l’instabilité en Éthiopie.

Le danger d’une négligence prolongée

Le sort de Lalibela représente une perte non seulement pour le peuple Amhara mais pour l’humanité toute entière. Ces églises sont des objets irremplaçables du patrimoine mondial, incarnant une forme unique d’architecture monolithique et des siècles de créativité éthiopienne. Une négligence persistante menace d’effacer une pierre angulaire de l’identité éthiopienne tout en consolidant la marginalisation de la communauté Amhara.

Les parallèles entre la menace qui pèse sur Lalibela et le sort plus large du peuple Amhara sont profonds. Les Amhara ont subi des déplacements systématiques, des violences ethniques et une exclusion politique sous le régime actuel. La destruction de Lalibela reflète cette campagne d’effacement plus large, ciblant non seulement les personnes mais aussi leur histoire et leurs symboles.

L’appel à la solidarité mondiale

Le monde doit traiter Lalibela avec la même urgence et le même soin que Notre-Dame. Les organisations internationales telles que l’UNESCO doivent faire pression sur le gouvernement éthiopien pour qu’il accorde la priorité à la protection de Lalibela et d’autres sites du patrimoine menacés. Les défenseurs des droits humains et la diaspora Amhara devraient amplifier ce message, en qualifiant la destruction de Lalibela de violation des droits culturels et religieux.

L’Église orthodoxe éthiopienne, aux côtés des groupes de défense d’Amhara, doit prendre l’initiative de sauvegarder ces trésors. En mobilisant des ressources, en sensibilisant et en collaborant avec des experts internationaux en matière de préservation, ils peuvent contrecarrer l’inaction du gouvernement et garantir la pérennité de Lalibela pour les générations futures.

Préserver l’identité de l’Éthiopie

Les églises taillées dans le roc de Lalibela représentent bien plus que de simples structures en pierre ; ce sont des vaisseaux de foi, d’identité et d’histoire. Les protéger, c’est sécuriser une civilisation et résister aux forces de l’effacement.

Alors que le monde célèbre la restauration de Notre-Dame, l’attention doit également se tourner vers Lalibela. La communauté mondiale a l’obligation morale de protéger cet élément irremplaçable du patrimoine commun de l’humanité, en veillant à ce que Lalibela reste un sanctuaire et un symbole de résilience pour les générations à venir.

Urgence d’action

Une intervention immédiate est essentielle ; sans cela, Lalibela risque de succomber à la négligence, à la dégradation de l’environnement et à l’hostilité politique. Les enjeux sont trop importants pour être ignorés. Préserver Lalibela est une responsabilité mondiale visant à honorer et à protéger l’un des plus grands trésors culturels du monde.

Note de l’éditeur : les opinions exprimées dans l’article ne reflètent pas nécessairement celles de Togolais.info

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