Le pari de Hassan Sheikh Mohamud : la Somalie survivra-t-elle… ?

Maria

Hassan Cheikh Mohamud Hassan Cheikh Mohamud
Hassan Sheikh Mohamud arrive en Égypte en janvier 2024 après la signature d’un protocole d’accord avec le Somaliland et l’Éthiopie (Photo : SONNA/file)

Par Mohamud A. Ahmed – Cagaweyne

Les blessures du leadership : une nation en péril

L’auteur

Le deuxième mandat du président Hassan Sheikh Mohamud est en train de devenir un chapitre inquiétant dans la quête d’une nation en Somalie – une histoire de fragilité du leadership et d’espoir gaspillé. Le tissu social délicat de la Somalie, reconstitué après des décennies de troubles, tend désormais sous le poids de sa gouvernance qui divise. Dans un monde où les promesses d’hier persistent dans l’éther numérique, ses faux pas résonnent plus fort, approfondissant les fissures d’une nation qui avait osé rêver d’unité.

Le mandat de Hassan Sheikh Mohamud pourrait marquer la fin du fragile système fédéral somalien si une intervention internationale immédiate n’est pas prévue. Son leadership s’est révélé inapte à guider une nation sortant des ombres du désespoir vers la lumière de la reconstruction. À l’heure où la Somalie commence à reconquérir son statut de nation, soutenue par l’unité et une vision collective de l’avenir, la politique de Mohamud a semé la discorde et la désillusion. La structure fédérale – une architecture fragile de compromis et d’espoir – est désormais au bord de l’effondrement.

Aliénation régionale : une scène propice à la désintégration

La mauvaise gestion par Hassan Sheikh Mohamud des administrations régionales comme le Jubaland et le Puntland révèle un schéma d’antagonisme et d’erreur de jugement. Autrefois alliés ténus, des personnalités telles qu’Ahmed Madobe du Jubaland sont devenues de fidèles adversaires sous son administration. Les incursions militaires de Mohamud dans le Bas-Juba constituent un pari désespéré pour le contrôle, un pari qui risque de déstabiliser non seulement le Jubaland mais l’ensemble du cadre fédéral somalien.

Ce n’est pas la première fois que Hassan Sheikh Mohamud adopte une approche combative envers les dirigeants régionaux, avec des conséquences désastreuses. Au cours de son premier mandat, il a poursuivi une stratégie de confrontation similaire, qui a abouti à un conflit tribal catastrophique qui a coûté des centaines de vies et fracturé davantage la nation. Non seulement sa politique n’a pas réussi à atteindre ses objectifs, mais elle a également plongé le pays dans une instabilité accrue, laissant de profondes cicatrices sur le tissu social et politique somalien.

Ironiquement, durant ses années d’opposition au président Mohamed Abdullahi Farmajo, Mohamud a soutenu sans relâche Ahmed Madobe dans son affrontement avec l’administration de Farmajo. Mohamud a critiqué les efforts de Farmajo pour contester l’autorité de Madobe au Jubaland, se positionnant comme un défenseur de l’autonomie régionale et du fédéralisme. Pourtant, aujourd’hui, au pouvoir, il semble avoir abandonné ces principes, adoptant les mêmes tactiques qu’il avait autrefois condamnées. Cette duplicité mine non seulement sa crédibilité, mais exacerbe également les divisions entre le gouvernement fédéral et les administrations régionales, menaçant la cohésion du système fédéral lui-même.

Le 25 novembre 2024, le Parlement du Jubaland a réélu Ahmed Madobe pour un troisième mandat, une victoire décisive malgré trois challengers. Dans son discours de victoire, Madobe a critiqué le gouvernement fédéral en termes sévères, mais a laissé la porte ouverte au dialogue et à la réconciliation politique. Cependant, le président Mohamud a répondu avec hostilité, en déployant des forces spéciales fédérales dans la région le même jour – une décision considérée par beaucoup comme une provocation mal conçue. Cet acte a non seulement approfondi le fossé entre Mogadiscio et Jubaland, mais a également signalé l’intention de Mohamud de mener le combat jusqu’à Madobe, même au détriment de l’unité nationale.

Gambit mal calculé : un risque pour l’unité

Monsieur le Président, la réalité est dure et les faux pas sont indéniables. Vous faites maintenant face à un Ahmed Madobe enhardi, fortifié par un mandat retentissant de cinq ans imperméable à la reconnaissance du gouvernement fédéral. La constitution somalienne et les principes du fédéralisme accordent au Jubaland, comme à tous les États membres fédéraux, l’autonomie nécessaire pour gouverner ses affaires intérieures sans votre ingérence. Madobe détient l’avantage du terrain, et toute tentative de le renverser par la force échouerait non seulement mais déclencherait une tempête de feu. Une telle démarche galvaniserait ses partisans, qualifiant vos actions d’agression tribale et alimentant la résistance non seulement au Jubaland mais à travers une fédération fragmentée.

Le Puntland et le SSC Khatumo se sont déjà alignés sur le Jubaland, traçant ainsi une ligne définitive contre les empiétements de votre administration. Ce n’est qu’une question de temps avant que des dirigeants comme Qoor Qoor de Galmudug et Laftagareen du Sud-Ouest emboîtent le pas. Votre isolement politique s’approfondit à chaque erreur de calcul, vous laissant avec une base de partisans de plus en plus réduite – s’ils restent fidèles. Même votre détournement des processus parlementaires a suscité une condamnation quasi universelle de la part des experts qui considèrent ces mesures comme désespérées, peu judicieuses et dangereuses.

À cette instabilité s’ajoute l’influence insidieuse d’individus comme Fahad Yasin, l’ancien chef de la NISA, dont les vendettas personnelles contre les dirigeants régionaux éclipsent son sens du bien commun. Les conseils de Yasin, entachés de batailles personnelles inachevées, menacent de faire dérailler ce qui reste de la fragile unité de la Somalie. Les dirigeants qui ne parviennent pas à comprendre ces objectifs manipulateurs risquent de se rendre complices de l’effondrement de leur nation. Monsieur le Président, il est impératif de se distancer des voix qui servent le chaos plutôt que la cohésion, celles qui donnent la priorité au règlement des comptes plutôt qu’à l’avenir de la Somalie. Si nous n’y parvenons pas, le coût sera supporté par la nation, et l’histoire le consignera sous votre surveillance.

Vous, plus que quiconque, devriez savoir que la coercition et la violence sont des outils futiles dans la politique somalienne – une leçon douloureusement gravée dans les mémoires de votre premier mandat, où les conflits tribaux ont coûté des vies et fracturé davantage la nation. La Somalie ne peut pas résister à un nouveau chapitre de division et de destruction selon les clivages tribaux en 2024. Les fauteurs de guerre qui vous ont induit en erreur vous chuchotent à nouveau à l’oreille, semant les graines de la discorde et vous guidant vers un héritage défini par les troubles.

Le fardeau de la responsabilité repose entièrement sur vos épaules. L’histoire ne se souviendra pas des voix qui vous ont induit en erreur, et elle ne vous absoudra pas non plus des conséquences. Il ne vous jugera pas pour votre position mais pour les choix que vous avez faits lorsque le destin de votre nation était en jeu.

Monsieur le Président, il n’est pas trop tard pour changer le cours de l’histoire. Déposez le fardeau de l’orgueil et adoptez la sagesse de l’humilité. Étendre un rameau d’olivier au Jubaland, au Puntland et à tous les États membres fédéraux en quête d’inclusion, de respect et de partenariat. Tracez la voie du dialogue, de la réconciliation et de l’unité, et inscrivez votre nom non pas en tant que chef de faction, mais en tant qu’homme d’État qui a réparé une nation fracturée. La Somalie attend un rassembleur, un guérisseur des blessures et une lueur d’espoir. La décision d’atteindre ce moment vous appartient – choisissez judicieusement votre héritage, comme nous l’a si éloquemment rappelé Hodan Ali.

Le spectre de la corruption et la résurgence d’Al-Shabaab

Sous Mohamud, la corruption est devenue une force maligne, érodant la confiance du public et la bonne volonté internationale. Les allégations d’opacité financière et de clientélisme ont transformé son administration en synonyme d’opportunités manquées. Ce qui a commencé comme un gouvernement d’espoir s’est transformé en un récit édifiant sur la manière dont la gouvernance peut faire défaut à son peuple.

Plus inquiétante est la résurgence d’Al-Shabaab, un groupe militant affaibli par deux années d’opérations fédérales coordonnées. Alors que le gouvernement se concentre désormais sur les rivalités politiques internes, Al-Shabaab profite du vide pour se regrouper et reconquérir les territoires perdus. Ce qui a commencé comme une campagne antiterroriste populaire et bien soutenue s’est effondré sous le poids des distractions politiques.

En conclusion, une nation à la croisée des chemins

La Somalie est au bord d’un moment décisif. Le mandat de Hassan Sheikh Mohamud menace de démanteler le cadre fédéral fragile du pays, annulant ainsi des décennies de progrès. Son incapacité à favoriser l’inclusion, associée à un manque de jugement et à des politiques de division, risque de replonger la nation dans le chaos des années 1990.

En tant qu’écrivain et défenseur des solutions africaines organiques, je suis profondément attaché à l’idée que les réponses de la Somalie résident dans son peuple. Pourtant, la communauté internationale doit se rendre compte qu’elle a plus d’enjeux que la population locale, qui s’est tragiquement habituée au chaos. Les donateurs, les institutions et les partenaires étrangers risquent de perdre non seulement leurs investissements mais aussi leur crédibilité. Si la trajectoire imprudente de Mohamud n’est pas corrigée, l’effondrement du gouvernement fédéral représentera un échec collectif à la fois des dirigeants somaliens et de l’engagement international.

Le temps presse. Les enjeux sont plus élevés que jamais et le coût d’un échec n’est pas à la portée de la Somalie – ni du monde –. L’unité et l’avenir de la Somalie dépendent d’un leadership disposé à s’élever au-dessus de la politique, à donner la priorité à la réconciliation et à honorer les progrès durement acquis de la nation. Sans une telle transformation, l’histoire se souviendra de cette époque comme d’une période où les opportunités ont été gaspillées et où les rêves d’une nation ont glissé entre les mailles de l’ambition et de la négligence.

L’écrivain est joignable au : +251900644648

Note de l’éditeur : les opinions exprimées dans l’article ne reflètent pas nécessairement celles de Togolais.info

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