Note de l’éditeur : les opinions exprimées dans l’article ne reflètent pas nécessairement celles de Togolais.info
Par Mohamud A. Ahmed – Cagaweyne


Une exploration vivante des réalités et des mythes constitutionnels


Introduction
Alors que je suis assis à l’hôtel Skylight à Addis-Abeba, j’observe de loin le vibrant Timkat Célébration, une tradition spectaculaire où des milliers de personnes défilent dans les rues dans une grande procession de foi, je me retrouve à réfléchir autour d’une tasse de café sur la débats les plus controversés qui circulent parmi les élites éthiopiennes. Nombreux sont ceux qui imputent les récents événements du pays uniquement à notre structure fédérale actuelle, arguant que les racines des problèmes actuels ont surgi il y a seulement quelques années. C’est dans ce contexte, au milieu de l’écho mélodique de Timkat des hymnes et l’arôme des haricots fraîchement torréfiés, que je me suis senti obligé d’écrire un article sur ces sujets des conflits houleux.
I. Danser avec les ombres : l’allégation de l’apartheid
Dans le paysage tumultueux de la politique éthiopienne, une seule accusation est apparue comme à la fois provocatrice et trompeuse : l’accusation selon laquelle Le « fédéralisme ethnique » reflète l’apartheid – ce tristement célèbre système de ségrégation raciale qui a autrefois marqué l’Afrique du Sud. Cette allégation, lourde de poids émotionnel, suggère que l’expérience fédérale éthiopienne est un retour en arrière plutôt qu’une démarche réformatrice. Pourtant, après un examen plus approfondi, il devient clair qu’assimiler les deux équivaut à confondre le clair de lune avec l’éclat d’un feu de forêt.
L’apartheid était une architecture cruelle de discrimination légalement consacrée, érigeant des murs d’oppression entre les populations noires et blanches. En revanche, le fédéralisme ethnique éthiopien, tel qu’il est inscrit dans la Constitution du FDRE de 1995, est né d’un creuset de bouleversements politiques visant à rachat les communautés historiquement marginalisées du pays. Là où l’apartheid a nié par la force les droits de citoyenneté, la Constitution éthiopienne professe une promesse audacieuse de auto-administration et autonomie culturelle pour ses nombreuses nations, nationalités et peuples.
Qualifier le fédéralisme ethnique de clone de l’apartheid revient à danser avec les ombres – en s’appuyant sur des similitudes superficielles plutôt que sur les réalités concrètes du droit et de la gouvernance. Alors que nous abordons les différentes facettes de ce débat qui divise, nous nous engageons dans un voyage visant à distinguer la vérité du mytherévélant comment le cadre constitutionnel éthiopien, bien que défectueux dans son application, se démarque de la forteresse hiérarchique qui a autrefois défini l’époque la plus sombre de l’Afrique du Sud.
II. Les germes de l’identité : la genèse constitutionnelle de l’Éthiopie
Au début des années 1990, l’Éthiopie se trouvait à la croisée des chemins. Des décennies de régime autoritaire centralisé avaient réprimé les identités, les langues et les cultures régionales. De la monarchie au régime du Derg, le pouvoir résidait souvent au sommet, ignorant l’étonnante mosaïque de diversité linguistique et ethnique de l’Éthiopie. Le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF), après avoir renversé le Derg, considérait le fédéralisme comme un instrument puissant pour rectifier injustices historiques et responsabiliser les communautés marginalisées.
Ainsi est née la Constitution FDRE, un document audacieux qui consacre le principe de autodétermination ethnique:
Article 39, paragraphe 3: « Chaque nation, nationalité et peuple en Éthiopie a le droit à l’autodétermination… »
Cette disposition révolutionnaire n’a pas été créée pour engendrer la division mais pour offrir à des groupes historiquement réduits au silence une voie constitutionnelle leur permettant de préserver leurs langues, leurs traditions et leur action politique. La question de savoir si cette expérience audacieuse a tenu toutes ses promesses ou a trébuché sous le poids de la realpolitik est un sujet de contestation permanente. Pourtant, le motif principal – pour garantir qu’aucune ethnie ne monopolise à nouveau le pouvoir – reste un contraste frappant avec l’oppression imposée d’en haut qui a défini l’apartheid.
III. Apartheid contre fédéralisme ethnique : démasquer les distinctions
- Hiérarchie légalisée contre parité constitutionnelle
L’apartheid a soudé la société en castes privilégiées et privées de leurs droits. Des cadres juridiques tels que la loi sur l’enregistrement de la population et la loi sur les zones de groupe ont stratifié les citoyens selon la couleur de la peau, niant les droits fondamentaux de la majorité noire. Pendant ce temps, le fédéralisme ethnique éthiopien, malgré toutes ses controverses, ne pas consacrer n’importe quel groupe comme étant intrinsèquement supérieur. La Constitution confère égal droits politiques et humains de tous les citoyens, quelle que soit leur appartenance régionale ou ethnique. - Adopter des lois et des bantoustans contre la libre circulation et la nation partagée
Sous l’apartheid, les non-Blancs devaient être munis de « laissez-passer » pour entrer dans certaines zones, risquant d’être arrêtés s’ils étaient surpris sans ces laissez-passer. En Éthiopie, malgré les problèmes bureaucratiques et les frictions régionales, la loi n’oblige pas les citoyens à rester dans des enclaves ethniques. Les habitants de n’importe quelle région peuvent (légalement) acheter une propriété, déménager et voter au-delà des frontières régionales, même si des tensions pratiques surviennent. - Exclusion systématique contre inclusion constitutionnelle
L’apartheid a prospéré grâce à l’exclusion, consacrant les inégalités. Le modèle fédéral ethnique éthiopien vise paradoxalement à inclusion – accorder aux communautés historiquement marginalisées une reconnaissance administrative et des outils pour la préservation culturelle et l’autonomie. Les critiques soutiennent que lors de la mise en œuvre, certains gouvernements régionaux deviennent en pratique exclusifs, ce qui constitue un écart par rapport à la conception constitutionnelle originale plutôt qu’une réalisation directe d’une idéologie suprémaciste.
IV. Le parallèle suisse : similitudes et mythes
De nombreux défenseurs du fédéralisme ethnique invoquent Suisse – un pays célèbre pour son système cantonal harmonieux qui respecte les différences linguistiques et religieuses. Les cyniques pourraient considérer cela comme une « édulcoration » d’un projet défectueux, mais la formation suisse elle-même n’a pas été sans conflits. Le Guerre du Sonderbund (1847) voit s’affronter violemment cantons catholiques et protestants. Au fil des décennies, les Suisses ont progressivement construit une philosophie de compromis, répartissant le pouvoir entre les germanophones, les français, les italiens et les romanches.
En Éthiopie, les régions fédérales (souvent appelées Kililoch) reflètent les principales caractéristiques démographiques linguistiques et ethniques : Oromo, Amhara, Somali, Tigré et autres. Il est vrai que le parallèle est imparfait. L’Éthiopie est aux prises avec des cicatrices historiques plus profondes et une quête moderne de développement dans un contexte de pressions démographiques croissantes. Néanmoins, le précédent suisse démontre que reconnaissant les différences culturelles et linguistiques par des moyens constitutionnels ne doivent pas nécessairement engendrer une division perpétuelle. Avec une gestion prudente, elle peut servir d’échafaud pour la démocratie, l’équité et l’autonomisation locale.
V. La tapisserie complexe : identités entremêlées et exploitation politique
Les critiques notent à juste titre que les Éthiopiens ne sont pas soigneusement cloisonnés dans des compartiments ethniques ; des siècles de migration et de mariages mixtes ont créé des généalogies complexes. Un individu peut avoir des racines ancestrales dans plusieurs communautés ethniques. Commentalors peut-on tracer des lignes précises sur une carte pour chaque groupe ?
La Constitution du FDRE n’ignore pas cette fluidité. Il fournit plutôt des mécanismes pour auto-identification et une représentation diversifiée. En théorie, une personne dans n’importe quelle région peut participer démocratiquement sans renoncer à ses multiples identités. Cependant, lorsque les acteurs politiques militariser l’identité pour mobiliser des voix ou attiser les conflits, la noble intention constitutionnelle dégénère en conflits entre factions. Cette utilisation abusive ne prouve pas que le fédéralisme ethnique soit intrinsèquement proche de l’apartheid ; cela expose simplement la vulnérabilité du système face aux élites manipulatrices – un défi qui afflige toutes les démocraties en période de crise.
VI. Transcender l’ethnicité : l’horizon ambitieux
Les sceptiques affirment que le fédéralisme ethnique cimente les divisions, empêchant l’Éthiopie de se forger une identité nationale cohérente. D’autres contredisent cela permettre les identités multiples favorisent l’unité dans la diversité. Les deux camps reconnaissent une vérité universelle : l’ethnicité seule ne devrait pas dicter le destin politique. Pour que l’Éthiopie prospère, des mécanismes solides – juridiques, économiques et culturels – doivent être mis en place pour garantir opportunité équitabletranscender l’hostilité et canaliser la politique identitaire vers un dialogue constructif.
- Renforcer les institutions démocratiques
Une constitution, aussi éclairée soit-elle, est impuissante si les institutions ne respectent pas ses garanties. Depuis tribunaux indépendants à forces de sécurité professionnellesla maturité institutionnelle est essentielle pour prévenir les abus et faire respecter les droits constitutionnels. - Développement économique et allocation des ressources
La pauvreté et les inégalités alimentent le mécontentement, aggravant souvent les divisions ethniques. Un engagement à croissance économique généralisée et une répartition équitable des ressources entre les régions est un pilier de l’unité nationale. La prospérité dilue la puissance des politiques identitaires en créant des incitations partagées à la coopération. - Éducation civique et dialogue
Éduquer les citoyens sur le droit constitutionnel, le multiculturalisme et la résolution des conflits n’est pas un luxe mais une nécessité. Encourager les jeunes à embrasser à la fois leur héritage ancestral et une identité éthiopienne partagée peut contribuer à combler les fossés interethniques.
VII. Échos poétiques et résonance constitutionnelle : une vision prospective
Si nous devions composer un hymne pour l’avenir de l’Éthiopie, il résonnerait avec mélodies de résilience et de réconciliation. Son chœur émouvant engloberait les voix du fermier des hautes terres de Gojjam jusqu’au pasteur de Borana ; du commerçant de Dire Dawa au professeur d’Hawassa ; du tisserand de Kabradahare au passage des voyageurs Gode – tous affirmant un destin commun tout en honorant des héritages distincts.
Le fédéralisme ethnique, tel qu’inscrit dans la Constitution du FDRE, représente une tentative de créer cette symphonie harmonieuse. Même si l’oratorio glisse parfois vers des accords dissonants – à cause de mauvais chefs d’orchestre ou d’instruments mal accordés – la partition elle-même envisage inclusion plutôt que de diviser, coopération au lieu de l’oppression.
Tout comme un potier façonne l’argile au tour, l’Éthiopie doit continuellement affiner son architecture fédérale, en aplanissant les imperfections, en s’adaptant aux nouvelles réalités et, par-dessus tout, en se protégeant contre la cooptation de l’identité par ceux qui recherchent le pouvoir sur le progrès national.
VIII. Le dernier mot : mythes dissipés, vérité éclairée
À tous les Éthiopiens – universitaires, militants, décideurs politiques et citoyens ordinaires – qui se posent des questions sur l’âme de notre fédération : qu’il soit clair que le fédéralisme ethnique n’est pas un régime d’apartheid. L’échafaudage juridique vise à accorder des droits, non refuser eux. La mauvaise gestion, la corruption ou les jeux politiques n’effacent pas l’intention sous-jacente de la Constitution : forger un système équitable qui embrasse la mosaïque de cultures du pays.
Le mythe prospère lorsque la vérité reste embrouillée dans le silence. Pour briser ce silence, il faut parler avec franchise, en reconnaissant les défauts du système ainsi que ses promesses durables. Le destin de l’Éthiopie ne consiste pas à idéaliser une autorité centrale imposée d’en haut ou un avenir conflictuel fondé sur l’appartenance ethnique, mais à harmoniser la voix de chaque région au sein de la tapisserie d’une nation unifiée.
En dernière analysefédéralisme ethnique est un tremplin – un travail en cours. Que cela entraîne l’Éthiopie dans une ère de renaissance démocratique ou qu’elle débouche sur une division profondément enracinée dépend de la sagesse et de la volonté de ses dirigeants et de ses citoyens. Le temps des illusions est révolu ; le moment d’une compréhension lucide – une compréhension qui se brise l’analogie superficielle de l’apartheid et reconnaît la promesse constitutionnelle de égalité et autodétermination – est arrivé.
Puissent les Éthiopiens de tous horizons se lever pour défendre les idéaux gravés dans leur Constitution, ouvrant une voie qui allie les divers rythmes de la tradition à la marche en avant de la gouvernance moderne.
L’écrivain est joignable au : +251900644648
__
Abonnez-vous au support : https://Togolais.info/2025/01/09/support-borkena-platform/
– Publicité –