Comment l’ego de Hassan Sheikh Mohamud menace la survie de la Somalie

Maria

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Rencontre de Hassan Sheik Mohammed avec le président égyptien en août 2024. (Photo : SM)

Leadership sans vision : une nation en péril

L’auteur

Le leadership, comme l’affirme avec éloquence David M. Cote dans Gagner maintenant, gagner plus tardexige un équilibre magistral entre relever les défis immédiats et assurer l’avenir. C’est une vocation qui requiert de la prévoyance, de l’humilité et un engagement en faveur du progrès collectif. Pourtant, sous la direction du président Hassan Sheikh Mohamud, le gouvernement fédéral somalien a dangereusement dévié de sa trajectoire. Depuis l’immobilisation de vols à travers le centre et le sud de la Somalie jusqu’à l’opposition du Jubaland, l’approche de son administration a été marquée par des décisions réactionnaires, une stratégie politique de la corde raide et une déconnexion troublante des réalités de la gouvernance.

Vols cloués au sol : une nation étranglée par la myopie

La décision du gouvernement fédéral d’interdire les vols vers le centre et le sud de la Somalie illustre parfaitement l’imprudence administrative. Destinée à affirmer le contrôle de processus électoraux contestés, cette mesure a perturbé une activité économique vitale, immobilisé des millions de citoyens et interrompu une aide humanitaire cruciale. Le transport aérien n’est pas un luxe en Somalie – c’est une bouée de sauvetage. En transformant ce service essentiel en arme, le gouvernement a infligé des difficultés inutiles à sa population, l’éloignant encore davantage de Mogadiscio.

Cette décision, loin de projeter une autorité, a révélé un désespoir – une réaction qui a mis à nu l’incapacité de l’administration à penser au-delà des escarmouches politiques immédiates. Cela a mis en évidence un écart troublant entre les priorités du gouvernement et les besoins urgents de la nation, rendant l’économie fragile de la Somalie encore plus vulnérable à l’effondrement.

Jubaland : la force indicible d’un peuple uni

Si l’immobilisation des vols a révélé l’incompétence administrative, l’escalade des tensions avec le Jubaland a révélé les dangers de l’arrogance politique. L’approche autoritaire du gouvernement fédéral – en émettant un mandat d’arrêt contre le président du Jubaland, Ahmed Madobe et en déployant des troupes pour intimider la région – a mis en évidence un dangereux mépris du fédéralisme. Le Jubaland n’est cependant pas une entité isolée. Son peuple, profondément enraciné dans l’histoire et la culture somaliennes, tire sa force de liens durables avec l’Éthiopie et le Kenya voisins. Ces liens, forgés par la parenté, le commerce et la coopération en matière de sécurité, forment un formidable réseau d’influences que Mogadiscio ne peut se permettre d’ignorer.

La sous-estimation par le président Mohamud de la résilience du Jubaland est une grave erreur de calcul. S’il persiste dans son approche conflictuelle, les alliances régionales avec l’Éthiopie et le Kenya pourraient devenir un contrepoids aux ambitions centralisatrices de son administration. Une telle évolution mettrait non seulement en péril le cadre fédéral somalien, mais risquerait également de déstabiliser l’ensemble de la Corne de l’Afrique. Le potentiel du Jubaland à galvaniser le soutien régional contre Mogadiscio souligne la nécessité de faire preuve de diplomatie, d’humilité et d’un véritable dialogue – des qualités qui manquent cruellement à l’administration actuelle.

Le discours de la mosquée : l’orgueil dans la maison de culte

Dans ce qui aurait dû être un moment d’unité et de réflexion, le discours du président Mohamud à la mosquée de Villa Somalia pendant les prières du vendredi s’est transformé en une démonstration de mépris politique (quursi siyaasadeed) et l’ineptie (damiinimo siyaasadeed). Plutôt que d’affronter les défis de la nation avec humilité, le président a utilisé cette plate-forme sacrée pour rabaisser les dirigeants du Jubaland et déformer la réalité des échecs de son administration.

Cette utilisation abusive d’un lieu de culte non seulement manquait de respect à son caractère sacré, mais a également aliéné ceux qui cherchaient réconfort et conseils. Les remarques du président, dépourvues de responsabilité ou de réconciliation, ont révélé l’arrogance qui sous-tend son leadership. C’était une occasion manquée de réparer des relations brisées et d’inspirer l’espoir. Au lieu de cela, cela est devenu un nouvel exemple de la déconnexion de Mogadiscio de la nation qu’elle cherche à gouverner.

Détourner la responsabilité : blâmer les voisins pour le chaos domestique

De manière de plus en plus inquiétante, le président Mohamud a cherché à rejeter la responsabilité des lacunes de son administration sur les pays voisins. Les accusations selon lesquelles l’Éthiopie et le Kenya portent atteinte à la souveraineté de la Somalie ne tiennent pas compte du contexte plus large. Les deux pays, qui comptent d’importantes populations somaliennes, ont étendu les possibilités de refuge et d’intégration aux Somaliens, en les traitant avec dignité et respect. Cette solidarité contraste fortement avec le discours d’ingérence et d’hostilité du président.

Ce que le président Mohamud refuse de reconnaître, c’est que la souveraineté de la Somalie ne peut être assurée par une déviation. Les défis du pays trouvent leur origine principalement dans des décennies de désarroi interne, exacerbés par la mauvaise gestion de son administration. En faisant des acteurs extérieurs des boucs émissaires, le gouvernement fédéral perpétue un cycle de stagnation, laissant passer l’occasion de s’attaquer aux problèmes systémiques qui continuent de freiner la Somalie.

Le rôle des conseillers malavisés : la réalité parallèle de Sanbaloolshe

Parmi l’entourage du président, Abdullahi Mohamed Ali, largement connu sous le nom de Sanbaloolshe, le chef de la NISA, incarne la dissonance au sein du gouvernement fédéral somalien. Il fonctionne comme s’il habitait une galaxie parallèle, détachée des réalités politiques et sociales d’une nation aux prises avec la fragilité. La rhétorique et les actions de Sanbaloolshe reflètent une croyance exagérée selon laquelle l’histoire peut être réécrite par la force et l’ambition – une croyance totalement dénuée de sagesse ou de clairvoyance stratégique. Sa confiance dans le soutien erroné de l’Égypte à l’unité de la Somalie souligne non seulement son détachement de la réalité, mais aussi sa dangereuse propension aux manœuvres à court terme qui mettent en péril la stabilité et la souveraineté de la Somalie.

Pourtant, ses ambitions vont au-delà d’une simple erreur de calcul. Selon une source crédible, Sanbaloolshe aurait déclaré que l’objectif ultime du gouvernement fédéral au Jubaland était de démanteler la domination traditionnelle des clans Ogaden et Marehan et de rétablir un pied-à-terre Hawiye à Ras Kamboni. Ce programme audacieux impliquerait le déplacement des clans Darod vers le sud, dans le nord du Kenya, tout en réinstallant les clans Hawiye dans les régions au sud de Kismayo. L’objectif ? Remodeler fondamentalement le paysage politique et démographique du Jubaland, en faisant pencher la dynamique du pouvoir de la région en faveur des alliés du gouvernement fédéral.

Cette vision dangereuse, dissimulée sous le langage de la réforme, est un sinistre projet de division et de déplacement. Cela risque de déclencher des rivalités claniques profondément enracinées, de briser une structure fédérale déjà fragile et de saper des décennies de stabilité sociale et politique laborieusement construite. Le Jubaland, une région qui a longtemps résisté aux impositions centralisées, pourrait considérer cela comme une menace existentielle – susceptible de provoquer à la fois des soulèvements internes et une déstabilisation régionale.

Alors même qu’il envisage de remodeler le tissu politique du Jubaland, Sanbaloolshe accuse sans vergogne les pays voisins de porter atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Somalie. Cette hypocrisie, si flagrante et sans honte, reflète les tactiques des puissances impériales du passé qui justifiaient les interventions sous couvert de sécurité tout en fomentant des divisions internes pour consolider le contrôle. La posture de Sanbaloolshe en gardien de la souveraineté tout en orchestrant un plan susceptible de détruire la cohésion sociale de la Somalie révèle les fondements creux de sa rhétorique.

Ce qui est encore plus troublant est la question de savoir si Sanbaloolshe agit seul. Si sa voix est effectivement celle du président, si ses ambitions sont celles de l’administration, alors cela témoigne d’un leadership fondamentalement mal aligné sur les principes de justice, de fédéralisme et d’unité. Accuser l’Éthiopie et le Kenya d’ingérence tout en proposant de démanteler le tissu social du Jubaland n’est pas seulement hypocrite : c’est une trahison catastrophique pour l’avenir de la Somalie et un jeu dangereux avec la sécurité régionale.

L’implication malavisée de l’Égypte, présentée comme un champion de la souveraineté de la Somalie, ne fait qu’alimenter ce mélange instable. La dépendance de Sanbaloolshe à l’égard d’un tel soutien extérieur, combinée à son mépris des réalités complexes de la dynamique des clans et des alliances régionales, est une formule qui mène au désastre. Il est peu probable que l’Éthiopie et le Kenya, qui ont tous deux des intérêts directs dans une Somalie stable, tolèrent de telles provocations. Cette stratégie imprudente pourrait entraîner la région dans un conflit géopolitique plus vaste, annulant des années de progrès fragiles et exacerbant la situation précaire de la Somalie.

Les actions et les paroles de Sanbaloolshe, chargées d’arrogance et d’intérêt personnel, incarnent les dangers de placer l’ambition personnelle au-dessus du bien-être national. Ses projets menacent de transformer le Jubaland en une poudrière, risquant non seulement l’effondrement de la structure fédérale de la Somalie, mais également la déstabilisation de l’ensemble de la Corne de l’Afrique.

Une nation faisant écho à son passé : les leçons non retenues

Le chef de l’opposition Abdirahman Abdishakur, un homme d’État dont la perspicacité politique reflète le leadership que les Somaliens désirent profondément, a livré une critique cinglante des échecs cycliques du gouvernement fédéral. « En 2021, 15 membres de la Chambre du peuple ont été interdits, et une mesure similaire a été prise aujourd’hui, avec 15 députés interdits de participer aux sessions de la Chambre. La même année, des troupes ont été déployées dans la région de Gedo et c’est aujourd’hui Raaskanbooni qui est déployé. Il n’existe pas de créativité de leadership basée sur la sagesse, la stratégie ou la vision – seulement une copie éhontée. »

Les paroles d’Abdishakur font écho à un sentiment de frustration plus large parmi les Somaliens qui aspirent à un leadership innovant et responsable. En recyclant les stratégies ratées du passé, l’administration du président Mohamud s’est révélée incapable de briser le cycle de division et de méfiance. La critique d’Abdishakur sert à la fois d’avertissement et de cri de ralliement, exhortant la nation à rejeter l’inertie de la répétition et à exiger un leadership motivé par une vision et non par la vanité.

Un réseau obscur : mafias commerciales et décadence politique

Aux défis du pays s’ajoute l’enracinement des mafias d’affaires au sein du gouvernement fédéral. Ces profiteurs donnent la priorité à la richesse personnelle plutôt qu’au bien-être national, exploitant les fragiles progrès de la Somalie à leur profit. Au lieu de tirer parti des avancées durement acquises au cours de la dernière décennie pour construire des institutions résilientes, l’administration actuelle semble déterminée à les démanteler, sacrifiant la stabilité à long terme au profit d’un enrichissement personnel à court terme.

Cette alliance contre nature érode la confiance dans la gouvernance et menace de briser les liens fragiles qui unissent la Somalie. Une telle corruption trahit les sacrifices d’innombrables Somaliens qui ont lutté pour reconstruire leur nation et établir un cadre de paix et de prospérité.

Un carrefour de rédemption ou de ruine

La Somalie se trouve à un moment charnière de son histoire. Les faux pas du président Hassan Sheikh Mohamud – depuis l’atterrissage au sol des vols jusqu’à l’opposition au Jubaland et à l’utilisation abusive des plates-formes sacrées – ont brisé l’unité fragile de la nation et mis en péril sa structure fédérale. Pourtant, cette crise recèle une opportunité de rédemption. Le leadership exige non seulement de la force, mais aussi l’humilité d’admettre l’échec et le courage de changer de cap.

Pour sauver son héritage et assurer l’avenir de la Somalie, le président Mohamud doit abandonner la politique de confrontation et adopter de véritables réformes. Il doit donner la priorité au dialogue avec les dirigeants régionaux, rétablir la confiance et s’engager dans l’édification de la nation à long terme. Le peuple somalien mérite un dirigeant qui incarne l’humilité, le courage et l’engagement en faveur du progrès collectif. La question est maintenant de savoir si le président Mohamud parviendra à relever ce défi ou s’il restera piégé dans le cycle de la déviation, de l’arrogance et des erreurs de calcul.

Les enjeux ne pourraient pas être plus élevés. Ses actions détermineront non seulement le sort de sa présidence mais aussi l’avenir de la Somalie elle-même. L’heure de la transformation est arrivée, car la nation – et la région – ne peuvent se permettre de nouveaux échecs.

Mohamud A. Ahmed – Cagaweyne

+251900644644

Note de l’éditeur : les opinions exprimées dans l’article ne reflètent pas nécessairement celles de Togolais.info

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