Révolutionner la finance internationale pour sauver la planète et éradiquer la pauvreté, telle était l’ambition du sommet pour un nouveau pacte financier mondial qui s’est tenu à Paris les 22 et 23 juin, sous l’égide d’Emmanuel Macron. « Nous n’avons pas à choisir entre la pauvreté et le climat », a déclaré le président français le 21 mai 2022 lors de la COP27 en Égypte.
Or, selon des chercheurs du groupe Loss and Damage Collaboration, 97 % des personnes touchées par des événements climatiques extrêmes vivent dans des pays en développement. Pour faire face aux dépenses engagées, leurs besoins sont faramineux : 27 000 milliards de dollars, selon Oxfam, une ONG. C’est pourquoi les militants du continent continuent de faire entendre leur voix. Parmi eux, Adenike Oladosu, une Nigérienne de 29 ans, pionnière du mouvement Fridays for Future.
L’Afrique est-elle condamnée à choisir entre développement et préservation de l’environnement ?
Adenike Oladosu: Au Nigeria, par exemple, certains de nos dirigeants croient encore que nous avons besoin des énergies fossiles pour nous développer. Je pense que l’action climatique peut nous aider à nous développer. L’industrie des combustibles fossiles pourrait générer des milliards de dollars de bénéfices, mais elle a également un impact négatif sur des communautés et des pays entiers.
On oublie souvent que l’innovation, la responsabilité environnementale et énergétique et le financement climatique peuvent également générer de nombreux bénéfices. Investir dans les énergies renouvelables pourrait tripler le nombre d’emplois et générer simultanément des avantages sociaux et en matière d’égalité des sexes. À long terme, les combustibles fossiles ne sont pas une solution.
Les pays africains font-ils ce qu’ils devraient ? Le Nigéria, par exemple, un grand producteur de pétrole, est-il à la hauteur des défis ?
Non, les pays africains ne font pas face de manière adéquate à l’urgence climatique, mais c’est aussi une question de capacité. Nous devons mettre en œuvre des innovations comme l’agriculture intelligente, réfléchir à notre transition énergétique et travailler sur des projets comme le remplissage du lac Tchad.
Mais comment acquérir les ressources nécessaires ? Comment développons-nous nos capacités ? Sur le papier, chaque pays a des plans, mais ce dont nous avons besoin, ce sont des actions concrètes. L’argent doit aller là où il est le plus nécessaire.
Au Nigeria, le gouvernement a décidé d’arrêter de subventionner le secteur pétrolier. Mais où iront ces subventions ? Je ne peux qu’espérer que notre gouvernement fera le nécessaire pour les rediriger vers des sources d’énergie renouvelables afin de les rendre plus abordables.
Le nouveau pacte financier mondial esquissé à Paris peut-il être une solution ?
Tous les engagements et toutes les promesses qui ont été faits sont un pas en avant. Il est sans aucun doute très positif de voir que nous pouvons allouer des millions pour lutter contre la crise climatique. Mais il ne faut pas que parler, cela ne suffira pas. Ces fonds doivent se concrétiser et il faut agir. Nous devons savoir comment ces fonds seront débloqués et comment ils seront distribués.
J’ai parfois peur que nous fassions cela toute notre vie et que la prochaine génération doive continuer.
On ne peut pas se contenter de rassembler des gens du monde entier et de se contenter de parler sans vraiment faire avancer les choses. N’oublions pas que nous avons parfois des défis très différents et que l’on ne peut pas parler de l’Afrique comme d’une entité homogène. Nous parlons de dizaines de pays distincts, chacun nécessitant un financement.
Quelles sont les actions les plus urgentes à mettre en œuvre sur le continent ?
Tout est urgent, et tous les secteurs ont besoin de financements dédiés car le changement climatique n’a pas que des impacts environnementaux, mais aussi sur l’agriculture ou encore l’immobilier. Face aux défis climatiques, nous devons absolument innover.
Un exemple est le lac Tchad, qui a considérablement rétréci depuis les années 1960. Si nous n’agissons pas, si nous ne trouvons pas le moyen de la réapprovisionner en eau, ce sera une catastrophe qui affectera toute la région. L’assèchement du lac pose déjà d’importants problèmes d’insécurité alimentaire. Si nous ne faisons rien, cette situation pourrait conduire à un conflit plus grave que la guerre en Ukraine. Ce n’est pas seulement un problème régional; il s’agit d’un problème mondial, car les migrations qui en résulteront affecteront également l’Europe.
En tant que militante pour le climat, avez-vous l’impression d’être enfin entendue ?
Il y a eu des changements, malgré tout. Au Nigeria, par exemple, la loi tant attendue sur le changement climatique a été promulguée. Lors de la COP27 en Égypte, des fonds pour les pertes et dommages ont été approuvés. Cela montre que nous pouvons faire pression sur nos dirigeants pour qu’ils agissent, et nous ne sommes pas près de nous arrêter.
Ce qui est encourageant, c’est qu’il y a une plus grande sensibilisation de la population qu’il y a quelques années. Au Nigeria, par exemple, les gens sont beaucoup plus conscients de ces problèmes que lorsque j’ai commencé mon combat en 2018.
Mais cela signifie également que nous faisons campagne pour la justice climatique depuis des années, et cela ne devrait pas être le cas. J’ai parfois peur que nous fassions cela toute notre vie et que la prochaine génération doive continuer.
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